TRANSPARENCE – Fraternité en Irak publie ses comptes 2019
Retrouvez à la fin de l’infographie ci-dessous l’interview du trésorier de Fraternité en Irak.
Interview d’Aloïs d’Aunay, trésorier de l’association

Quels sont les points à retenir de ces comptes 2019 ?
L’information principale de ces comptes 2019 est la baisse significative des fonds collectés par Fraternité en Irak : 1 063 125€, soit presque 30% de moins que l’an dernier. Cette baisse est une première dans l’histoire de l’association dont la collecte était en constante hausse depuis sa création en 2011.
C’est d’une part une conséquence à retardement des mesures fiscales prises en 2018 : suppression de l’ISF, mise en place du prélèvement à la source… qui avaient provoqué une forte diminution des dons dans le secteur associatif. En 2018, de nombreuses associations avaient donc constaté une baisse d’environ 25% des dons, mais Fraternité en Irak avait été épargnée, les subventions publiques perçues ayant permis de compenser la baisse des dons des particuliers.
C’est d’autre part lié à la diminution continue de traitement médiatique de l’Irak, ce qui entraine logiquement une baisse d’intérêt et des dons pour cette région. Enfin, le programme de relance économique avait été largement amorcé par Fraternité en Irak et soutenu par nos généreux donateurs, notamment des fondations, dès son lancement en 2017 puis également en 2018, il est donc normal qu’en 2019, le projet ayant atteint sa vitesse de croisière, les fondations aient moins soutenu ce projet.
A noter que cette baisse globale des dons est compensée par une hausse de 3% des dons de particuliers (personnes privées) : nous sommes conscients et d’autant plus touchés par la générosité et la fidélité de nos donateurs individuels, sans qui nous ne pourrions pas agir dans la continuité comme nous le faisons depuis 2011. Quelle que soit la fréquence ou le mode des dons, tous sont essentiels, chaque euro compte vraiment. Que chacun soit ici remercié !
Quant au maintien du niveau des fonds publics alloués aux projets de Fraternité en Irak, il témoigne depuis trois ans maintenant de la confiance qui est faite à l’association pour gérer avec sérieux aussi bien les projets sur le terrain que les fonds confiés. Le Ministère des Affaires Étrangères français a ainsi apporté fin 2019 un fort soutien pour les premières actions d’envergure menées par l’association à Bagdad : l’équipement en matériel coûteux de l’hôpital Saint-Raphaël, meilleur établissement médical d’Irak. Nous en avons parlé au premier semestre 2020, nous continuerons à communiquer sur ces actions qui sont déterminantes pour les habitants les plus démunis de la capitale irakienne, victime de troubles sociaux, d’une crise à la fois économique et politique depuis l’automne 2019.
Où en sont les frais de fonctionnement de l’association ?
Ils sont particulièrement faibles (7%), par rapport à d’autres structures comparables en termes de budget et s’expliquent par le fait que nous n’avons quasiment pas de frais de collecte de fonds. Fraternité en Irak ne paie pas de publicité à de très rares exceptions près (l’impression de dépliants pour présenter l’association par exemple) et n’achète pas de fichiers de donateurs. C’est un choix délibéré.
D’une part notre philosophie est de garantir que les dons serviront le plus possible à aider les Irakiens, d’autre part, nous estimons que les personnes qui n’ont pas sollicité de nos nouvelles n’ont pas à en recevoir et nous ne vendons pas, ni n’échangeons les adresses de notre fichier de donateurs. C’est un engagement de l’association depuis sa création.
Ces faibles frais s’expliquent aussi par le fait que l’association fonctionne sur le principe du bénévolat, ce qui implique que les bénévoles ne comptent vraiment pas leur temps ni leurs efforts ! Précisons à ce sujet que les billets d’avion financés par les bénévoles donnent droit à un reçu fiscal car ils sont considérés comme un don à l’association. En conséquence, notre commissaire aux comptes nous demande de l’inclure à la fois en recette et en charge dans la comptabilité, reflétant l’absence d’impact sur la trésorerie. Les bénévoles paient eux-mêmes également tous leurs frais de séjour en Irak.
La légère hausse de ces frais de fonctionnement, de 5,6% à 7% entre 2018 et 2019, s’explique principalement par les frais alloués à l’événement du 24 septembre 2019 co-organisé avec l’OEuvre d’Orient qui nous a permis de récolter plus de 120 000€ en une soirée grâce à la générosité de nos donateurs !
Comment les fonds sont-ils utilisés en Irak ?
Comme nous le disions plus haut, nous avons en 2019 mené nos premières actions au profit des plus démunis de Bagdad, en choisissant de commencer par le domaine primordial de la santé. Nous avons ainsi financé en toute fin d’année, grâce au soutien du Centre de Crise du Ministère des Affaires Etrangères pour l’hôpital Saint-Raphaël : un scanner, un endoscope ainsi que du matériel pour un service de néonatologie (mis en service courant 2020). Quelques mois auparavant, une pharmacie solidaire avait été ouverte pour venir en aide aux plus pauvres du centre-ville.
Toujours dans le domaine de la santé, à Kirkouk, un appareil de mammographie a été financé pour le service d’oncologie soutenu depuis plusieurs années par l’association. La construction d’un centre pour enfants autistes a aussi commencé.
Dans la plaine de Ninive, au nord de Mossoul, nous avons continué à développer notre programme de relance économique permettant aux habitants de reprendre leur activité d’avant Daech. Nous voudrions souligner l’extrême efficacité de vos dons alloués à ce projet : depuis mi-2017, votre générosité a permis de créer 336 emplois dans la région. Sur un territoire grand comme un département français, c’est énorme !
Fidèle à notre mission, nous avons également pu répondre à l’urgence en apportant des vivres aux habitants du village de Sharanish régulièrement bombardé. Au-delà de l’urgence pour les habitants des montagnes du nord du Kurdistan, nous avons apporté un soutien durable aux chrétiens oubliés de cette région. Cela a pris la forme des projets pour améliorer aussi bien les infrastructures que les transports. Dans cette région, nous avons également poursuivi notre investissement dans l’éducation des enfants de toutes les minorités religieuses en Irak, par le financement de deux écoles pour enfants yézidis au Kurdistan.
Enfin, à Mossoul, nous avons ainsi permis à deux églises syriaques-catholiques de rouvrir : l‘église Mar Toma que nous avons rénovée, et l’église Al-Bichara -qui est celle qui avait été construite dans le camp d’Ashti en 2015 à Erbil et pensée comme transportable – a été démontée, transportée puis reconstruite à Mossoul.
Pourquoi publier les dépenses détaillées de Fraternité en Irak ?
Depuis 2014, Fraternité en Irak est soumise à l’obligation légale de faire certifier ses comptes par un commissaire aux comptes et de les publier, comme toute association dont le budget dépasse 153 000 €. Au-delà de cette obligation légale, le bureau de l’association s’est attaché, pour la sixième année consécutive, à publier les comptes de la façon la plus détaillée, la plus transparente et la plus compréhensible possible. En effet, les projets que nous menons sont réalisés avec l’argent de nos donateurs, il est normal qu’ils sachent précisément comment les fonds collectés sont utilisés. Cette transparence financière est importante à double titre. C’est un devoir à votre égard mais cela a aussi une utilité interne à l’association : faire se rendre compte à chaque membre la responsabilité qu’il a dans l’utilisation de chaque euro…
Sans payer de publicité ni faire d’achat de listing, comment Fraternité en Irak parvient-elle à récolter des fonds ?
Les membres de l’association donnent chaque année plusieurs conférences qui permettent d’informer sur l’évolution de la situation sur le terrain : par exemple, nous avons reçu Charles Personnaz ou des spécialistes de la diversité des religions au Moyen-Orient. Nous intervenons aussi régulièrement dans les médias (presse écrite et audiovisuelle) et sur les réseaux sociaux pour rappeler la situation des chrétiens et des minorités d’Irak. Nous envoyons des nouvelles par des lettres d’informations régulièrement par e-mail et deux fois par an en papier.
Par ailleurs, que ce soit sur le site ou sur les réseaux sociaux, nos donateurs voient leurs dons se transformer en projets concrets en Irak de manière régulière, ce qui contribue à les fidéliser. Nous essayons de maintenir le rapport le plus proche possible avec eux à travers les conférences, durant lesquelles nos intervenants répondent avec plaisir à toutes les questions. De même, nous essayons d’être réactifs lorsque l’on nous pose des questions par mail.
A quoi correspond la ligne de dépenses : « frais d’opérations en Irak » ?
Ces frais incluent les frais de logement, de télécommunication, et de transport de plusieurs volontaires présents sur place pour plusieurs mois qui travaillent sur le programme de relance économique de la plaine de Ninive, ainsi que des déplacements des bénévoles des missions courtes.
A quoi correspondent les 177 518€ de « produits exceptionnels » ?
C’est une ligne qui est apparue pour la première fois en 2018, et dont le volume a augmenté en 2019 : elle correspond aux remboursements des entrepreneurs qui ont été soutenus par le programme de relance économique depuis 2017. En effet, ce programme propose aux bénéficiaires de financer le rachat de leur capital (machines, outils, …) par un système de crédit alliant prêt à taux zéro (80% de la somme) et don (20%). Les remboursements du prêt servent à financer d’autres entrepreneurs. Avec les années, le programme ayant trouvé son rythme de croisière, les remboursements de prêts augmentent, ce qui alimente la capacité du programme à aider d’autres entreprises à redémarrer. Ces entrées d’argent sont directement réinvesties dans le circuit économique local : chaque euro dépensé dans le cadre de ce programme est le plus efficace possible ! C’est la preuve que ce modèle trouvé par Fraternité en Irak pour permettre à toute l’économie locale de redémarrer fonctionne ! C’est aussi une immense fierté pour les volontaires en mission sur le terrain que d’observer les résultats concrets des efforts menés dans le cadre de cette relance économique : le travail des uns permet réellement à d’autres entrepreneurs de reprendre leur activité.
Dans les comptes on observe, contrairement aux années précédentes, un déficit : 128 836€ ont été dépensés par rapport à ce qui a été collecté sur l’année 2019. Pourquoi ?
Ce résultat déficitaire est paradoxalement une bonne nouvelle pour l’Irak : cela signifie que l’excédent que nous présentions chaque année, à cause de la forte saisonnalité des dons (la plupart des dons de particuliers sont recueillis entre octobre et décembre) est mis au service des Irakiens ! De plus en plus de projets ambitieux voient le jour !
Comment envisagez-vous l’exercice 2020 ?
La crise du Covid-19 a affecté les activités de l’association en Irak en les ralentissant au cours du premier semestre 2020. Ces événements entraînent une incertitude sur le montant des recettes de l’année sans que la continuité et la pérennité ne soient remis en cause compte tenu de notre niveau de trésorerie. Et nous savons pouvoir compter sur la fidélité et la générosité de nos donateurs ! Un immense merci !