Avec les chrétiens de Sharanish et Deshtetar
RECIT – Au nord de l’Irak, non loin de la frontière turque, vivent des chrétiens isolés dans de petits villages de montagnes. Une partie d’entre eux sont des déplacés, chassés de la plaine de Ninive par Daech en 2014. Les membres de Fraternité en Irak leur rendent visite régulièrement. Rencontre.
Il y a quelques semaines, le petit village chrétien de Sharanish, perdu dans les montagnes qui surplombent la grande ville de Zakho, non loin de la frontière turque, s’est réveillé en sursaut. L’aviation turque qui traque les membres du PKK (parti kurde de Turquie en conflit avec le gouvernement central) bombarde la zone. 23 roquettes explosent à quelques dizaines de mètres du village, soufflant les vitres des maisons, entraînant l’effondrement du toit de la salle paroissiale et causant bien d’autres dégâts.
« Les habitants du village ont eu très peur et sont partis, témoigne le maire de la bourgade, M. Habib Issa Thomas aux membres de Fraternité en Irak. Je suis resté seulement avec quelques hommes pour protéger nos biens. » Mais 11 jours après, les familles sont rentrées, même les cinq familles de déplacés qui se sont installées plus récemment dans le village. « Ici, l’esprit de communauté est très fort, souligne Abouna Johnny, le prêtre chaldéen de la paroisse à laquelle est rattaché Sharanish. C’est pour cela que les gens ne veulent pas le quitter. » L’aide de Fraternité en Irak qui a permis de remplacer très rapidement toutes les vitres soufflées du village a favorisé ce retour. Par ailleurs, les travaux de réfection du toit de la salle paroissiale, lui aussi détruit, est bien avancé !
Après la messe, autour d’un repas de fête, le maire raconte son histoire qui se confond avec celle de Sharanish. « Dans la famille, nous sommes mukthar (maire) de père en fils, explique-t-il. Mon père et mon grand-père dirigeaient déjà la ville. » Après le massacre des kurdes par Saddam Hussein dans cette région de l’Irak au début des années 90, M.Habib Issa Thomas reste seul dans le village. Pendant plus de dix ans, il l’ « occupe » pour éviter qu’il ne soit repeuplé d’arabes musulmans, selon la politique d’expropriation et de repeuplement menée par Saddam Hussein. « En 2005, de nouveaux habitants, ayant tous un lien avec Sharanish, sont venus reconstruire l’endroit et y habiter. »
Quelques jours après les bombardements turcs, la vie dans le village témoigne de la capacité de résilience des habitants. Les cours ont repris dans la petite école du village qui accueille 25 enfants et compte 4 enseignants. Le directeur M. Omar Ali, montre les fissures causées par les bombardements et qui ont endommagé un peu plus un bâtiment déjà vétuste.
Chrétiens aux confins de l’Irak
Encore plus loin dans la vallée, se trouve le village de Deshtetar, si proche de la Turquie que l’on voit les postes frontières. Loin de tout, le village compte 20 familles chrétiennes, dont 13 se sont réfugiées ici, le plus loin possible de la plaine de Ninive dont ils ont été chassés par l’État islamique à l’été 2014. Comme Sharanish, l’endroit a été reconstruit et partiellement repeuplé en 2005. Les déplacés ont pu s’installer dans des maisons restées vides. Tous les habitants dépendent de l’aide de l’Église car ils sont loin de tout, perdus dans la montagne.
Les membres de Fraternité en Irak s’arrêtent chez Khaled. Avec sa femme Hissa, et son fils, Handi, ils habitaient à Batnaya, dans le nord de la plaine de Ninive. Khaled était gardien et responsable de l’entretien du générateur de la ville. Lorsque Daech s’est approché de leur village, ils ont fui, d’abord vers Zakho, puis à Deshtetar oùles a accueillis le maire, un parent. Handi, 8 ans, fait l’école à la maison avec sa maman car il est impossible de faire quotidiennement la route pour aller à l’école. « J’y vais seulement deux fois par an pour passer les examens », explique-t-il.
Hassil, Sabah, Oday (5 ans), Mariam (9 ans) viennent, eux, de Mossoul. Hassil était ouvrier. Ils sont partis de la capitale provinciale lorsque l’État islamique s’en est emparé en juin 2014. Dans leur exil, ils ont fait d’abord étape à Bartella. Lorsque la ville a été à son tour attaquée, ils sont partis vers Malla Barwan, Zakho avant d’arriver à Deshtetar, aux confins du pays. Les deux filles font l’école à la maison. Ils achètent seulement les légumes frais, le reste de la nourriture est donné par des ONG.
Nous avons besoin de vous pour aider dans la durée les habitants de ces villages reculés. Un immense merci à tous ceux qui se sont mobilisés pour Sharanish et qui nous permettent d’agir rapidement !
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