Jour de premières communions pour les déplacés chrétiens
RÉCIT – Un an après leur fuite de la plaine de Ninive, dix enfants faisaient leur première communion dimanche 19 juillet dans la petite ville de Kosinjak où vivent 98 familles chrétiennes déplacées. Un moment de fête malgré des conditions de vie toujours précaires. Témoignage.
Ce dimanche matin, Mgr Petros Mouche, archevêque syriaque catholique de Mossoul et Qaraqosh en exil à Erbil depuis bientôt un an, se rend dans la ville de Kosinjak. Dix enfants qui se sont réfugiés là avec leur famille depuis qu’ils ont été chassés de la plaine de Ninive par Daech, font leur première communion. Dans cette bourgade vivent depuis presque un an 98 familles de chrétiens déplacés. Dès le début de l’exode, Mgr Petros Mouche y a envoyé deux religieuses dominicaines. Ce sont elles qui ont préparé les enfants à la première communion.
L’église qui nous accueille est petite et chaleureuse. Elle est remplie des familles des enfants. Les cousins, oncles et tantes sont venus depuis Erbil pour ce grand jour. Mgr Petros Moche, habillé de sa tenue de grande fête, ouvre la cérémonie. Garçons et filles ont revêtu une aube blanche et ils entrent en procession dans l’église accompagnés de leurs parents. Chacun porte dans ses mains un symbole eucharistique. Les enfants participent de tout leur cœur à la célébration, chantent à tue-tête, proclament leur foi d’un seul cœur. À la fin, les femmes entonnent les « youyou » traditionnels et lancent des bonbons sur la procession des enfants qui sort de l’église !
La joie dans le dénuement
Les familles des communiants nous invitent ensuite à les suivre. Dans un hall dépendant de l’église sont hébergées six d’entres elles. Des draps et couvertures tendus sur des fils font office de cloisons, laissant peu d’intimité à chacun. Malgré leur dénuement, nous sommes reçus comme des rois. Chacune des familles nous invite à rentrer dans sa pièce. Enfants et adultes sont heureux de se retrouver, chantent, plaisantent et sont pour nous plein d’attention. Certains parlent anglais, ce qui nous permet de surmonter le problème de la langue et de mieux appréhender ce qu’ils vivent.
Neven Sabah, jeune femme infirmière de 28 ans, a eu 4 enfants. Sa deuxième fille est morte à 8 mois de la grippe alors qu’elle vivait encore à Qaraqosh, dans la plaine de Ninive. En août 2014, son dernier fils avait 2 jours lorsqu’elle a dû fuir devant l’arrivée de Daesh. Grâce à son beau-père, ils ont pu partir en voiture. Depuis maintenant un an, ils habitent à Erbil. Elle est venue pour la première communion de son neveu, syriaque orthodoxe, préparé par l’Eglise syriaque catholique. Déjà par le passé, avant Daech, son mari et elle étaient partis au Liban à cause du climat de menace qui régnait en Irak. Mais au bout de trois mois, la vie là-bas s’était avérée trop chère et ils étaient rentrés.
« Avant, notre vie vous aurait fait envie! »
Nous parlons longuement avec elle. Au cours de la conversation, elle nous parle de sa vie d’avant. « Je n’ai pas toujours été réfugiée dans un camp, s’exclame-t-elle. Avec mon mari, nous avions une belle maison, de bons emplois. Notre vie vous aurait fait envie ! » Elle nous remercie beaucoup d’être venus. Elle nous répète que notre présence entretient l’espérance. Malgré tout, au-delà de la tristesse très perceptible, elle insiste : « Je rends grâce à Dieu, j’ai sauvé ma famille, nous ne sommes pas devenus esclaves, mes enfants sont en vie, toute la famille a pu s’échapper. »
Au-bout d’une heure, arrive un impressionnant plat de dolmas et moult kebab qui contrastent avec la précarité du lieu. Tout le monde ne tient pas assis, la place manque, mais la fête est bien là, autour des enfants, héros du jour. Comme toujours, nous repartons, marqués par l’hospitalité et la joie de ces familles, qui nous reçoivent de tout leur cœur, partageant avec nous le peu qu’elles ont.
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