Mgr Younan Hanno : « Les mouvements de destruction ne s’arrêteront pas à nous. »

Mgr Younan Hanno : « Les mouvements de destruction ne s’arrêteront pas à nous. »

Fraternité en Irak — À quels défis majeurs êtes-vous aujourd’hui confrontés ? 

Mgr Younan Hanno — Les guerres, les persécutions, les destructions d’églises, de maisons : tout cela a affecté la foi de beaucoup. C’est le premier défi auquel l’Église est confrontée, hâté par un mouvement de sécularisation parallèle dans le pays : la persévérance des croyants dans leur foi chrétienne.

Le second est celui de notre stabilité, à nous chrétiens, sur la terre de nos ancêtres. Comment faire pour que notre peuple reste attaché à l’héritage spirituel et culturel reçu ? L’émigration est une hémorragie pour nous. Les terres de générations entières sont abandonnées, et les familles se dispersent. Des familles composées de trois ou quatre enfants se retrouvent dispersées entre la France, l’Allemagne, l’Amérique… Après une génération ou deux, ces frères et sœurs ou leurs enfants, ne communiqueront plus. Cet éclatement est une destruction historique, culturelle et spirituelle, et une destruction de l’avenir.

La persévérance religieuse et la persévérance géographique, voilà les deux défis.

Comment voyez-vous l’avenir des minorités d’Irak ? 

L’avenir n’est garanti pour aucune minorité seule. Ni pour les chrétiens, ni pour les yézidis, ni pour les turkmènes… Aujourd’hui, c’est l’avenir des Irakiens dans leur ensemble qui est en jeu. Tout le monde souffre. Et si une composante minoritaire disparaît, il y a fort à craindre que les autres suivront.

Le jour où Daech est entré ici, les djihadistes se sont d’abord attaqués aux minorités – chrétiens, yézidis, turkmènes, shabaks… Mais ils ne se sont pas arrêtés là. Ils ont aussi visé les chiites, puis les sunnites eux-mêmes. Un jour à Mossoul, plus de 1500 d’entre eux ont été tués. Aucune communauté n’a été épargnée… Voici ce que sera l’avenir du pays si nous ne travaillons pas à notre unité.

Les minorités sont réduites à peu de choses aujourd’hui, du fait de séries d’événements tragiques. Si elles disparaissent par l’émigration ou les persécutions, ce sera ensuite le tour de ceux qui sont majoritaires. Les mouvements de destruction ne s’arrêteront pas à nous. Notre rôle est de prouver qu’il est possible de vivre en paix. Il n’y a pas d’avenir pour l’Irak sans avenir pour ses minorités.

Quel message adressez-vous aux Français ? 

Je les remercie très sincèrement, à tous les niveaux. Nous ressentons votre proximité, le sérieux et la fidélité de la relation qui nous lie. Le consul de France à Mossoul est un ami ; il prend de nos nouvelles, nous rend visite. Et il y a toutes les associations, dont Fraternité en Irak. C’est une indication que le peuple français est proche de nous. Souvenez-vous toujours de nous dans vos prières. Ne nous abandonnez pas. Nous avons besoin de votre présence et de votre soutien, pour préserver la présence des chrétiens en Irak.

Merci pour l’aide que vous apportez. Cette aide est d’abord morale : votre présence parmi nous est un réconfort pour nous tous. Après vient le soutien financier que vous avez fourni. Il nous a donné de l’espoir quand nous avons commencé à reconstruire. De nombreux petits projets ont aussi eu un impact positif, surtout sur les jeunes. Ils les ont aidés à rester.Il est beau d’offrir une seconde chance à quelqu’un, surtout sur sa propre terre après qu’elle a été détruite. Il est beau de reconstruire ce que le mal a détruit. C’est un message humanitaire, et c’est aussi un message chrétien. Alors je vous remercie pour votre présence fidèle…

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