Les trésors du père Najeeb
PATRIMOINE – Le Père Najeeb est dominicain, et responsable d’un centre de numérisation pour la sauvegarde des manuscrits irakiens. Fraternité en Irak l’a rencontré à Erbil où il s’est réfugié avec ces trésors patrimoniaux.
« Je savais qu’il fallait le faire »
A la fin du mois de juillet 2014, alors que « l’Etat islamique » ne cesse de progresser sur le territoire irakien et que la ville de Mossoul est tombée entre leurs mains Abouna Najeeb est saisi par la conviction que tous ces biens sont en danger et qu’il faut les mettre en lieu sûr : « Je ne savais pas pourquoi, mais je savais qu’il fallait le faire ». Dans l’urgence, commence alors une vaste entreprise d’emballage et de transport des manuscrits les plus précieux ou n’ayant pas encore été numérisés vers Erbil, ville refuge au Kurdistan irakien tout proche.
Quelques jours plus tard, l’intuition du dominicain est vérifiée. Dans la nuit du 6 au 7 août 2014, Daech s’empare de Qaraqosh : plusieurs dizaines de milliers d’habitants s’enfuient vers l’est. Abouna Najeeb avec deux de ses frères dominicains quittent les lieux in extremis, leur voiture chargée des derniers manuscrits restants.
Le Centre de numérisation déplacé à Erbil
Le Centre de numérisation des manuscrits orientaux est depuis lors implanté à Erbil et en pleine activité depuis que Daech a été vaincu. Sept jeunes universitaires travaillent aujourd’hui avec Abouna Najeeb pour assurer le dépoussiérage de chaque manuscrit au pinceau, adapter le traitement au type de papier pour protéger les pages et assurer leur bonne conservation, numériser chacune au moyen d’appareils réalisant des clichés d’une très haute qualité, et enfin référencer et numéroter chaque manuscrit. Près d’un million de pages de manuscrits ont ainsi été numérisées : livres scientifiques, philosophiques, lectionnaires, liturgie, partitions sont désormais hors de danger.
« L’histoire ne s’efface jamais »
Ces manuscrits retourneront-ils un jour à Qaraqosh, Bagdad ou Mossoul ? Le Père Najeeb se montre sceptique : tant que la stabilité n’aura pas repris ses droits dans le pays, il ne souhaite prendre aucun risque. Quant à faire faire le tour du monde à ces objets, il n’en est pas question : « leur place est en Irak », et ils sont bien trop précieux pour souffrir de longs voyages. Selon lui, l’acharnement avec lequel les djihadistes ont systématiquement détruit le moindre symbole culturel ou religieux montre la faiblesse de leur idéologie. « Les combattants de Daech et leurs émirs ont beau croire que l’on peut faire disparaître l’histoire avec un bulldozer, celle-ci ne s’efface jamais.»
C’est ce que prouve aussi la reconstruction, rendue possible grâce aux généreux donateurs de Fraternité en Irak, du sanctuaire de Mar Behnam. Il abritait lui aussi des trésors, notamment 545 manuscrits qui ont été murés dans un recoin du bâtiment quand Daech est arrivé. Une habile cachette, jamais découverte par les envahisseurs ! Aujourd’hui, le dôme du mausolée reconstruit témoigne que Daech n’a pas eu le dernier mot.
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