L’année trop longue des réfugiés de la plaine de Ninive
Cela fait un an aujourd’hui que plusieurs centaines de milliers de chrétiens, de yézidis, de kakaïs et de shabaks, se couchent chaque soir en pensant à leurs maisons entre les mains de Daesh. Au lieu de leur chambre, ils s’endorment souvent dans des bâtiments non terminés, parfois des mobile-homes et hélas, pour encore beaucoup de yézidis et de shabaks, des tentes. La promiscuité, le bruit des voisins et la chaleur de l’été les empêchent de s’endormir. Mais surtout ces réfugiés sont hantés par les images de leurs villages, ils postent en boucle des photos de leurs églises et de leurs temples sur Facebook.
Un an plus tard, une question habite toutes les discussions : que faire ? Quitter l’Irak pour de bon, émigrer ? Emigrer définitivement ou juste le temps que la plaine de Ninive soit libérée ? Ou au contraire, rester avec l’espoir de rentrer chez soi ? Chaque famille se pose ces questions. Certains qui étaient partis au Liban ou en Jordanie sont déjà rentrés tandis que d’autres rêvent encore de prendre l’avion.
Dans cette tragédie, ces hommes et ces femmes forcent l’admiration. Comment ne pas être admiratif de cette veuve de Qaraqosh qui passe ses nuits à réconforter des familles réfugiées, de ces boulangers qui travaillent dès quatre heure du matin dans la boulangerie du camp ouverte grâce à Fraternité en Irak ou de ces prêtres qui s’occupent des camps de réfugiés comme des pasteurs veillnt sur leurs troupeaux ? Une année s’est écoulée, beaucoup d’espoirs ont été déçus. Et pourtant, malgré la douleur, une vie nouvelle anime ces communautés. Les camps ont vu fleurir des vendeurs en tout genre, des artisans fabriquent des extensions aux mobil-homes tandis qu’un jeune homme ramasse les poubelles pour garder son camp propre : les réfugiés n’ont pas perdu confiance en eux.
Le courage, la résilience et la force de caractère de beaucoup parmi ces réfugiés doivent nous inviter à nous engager résolument à leurs côtés. Fraternité en Irak, en intervenant discrètement, souhaite continuer à renforcer les structures locales, qu’elles soient religieuses, éducatives ou médicales. Après l’urgence humanitaire (médicaments, vêtements pour l’hiver, produits d’hygiène, logements d’urgence et vivres), Fraternité en Irak veut soutenir ces réfugiés en leur permettant d’avoir un travail, mais aussi en les aidant à rester eux-mêmes. C’est le but du projet actuel de construction d’une église au milieu même du camp d’Ashti.
Vivre dans un camp n’est pas une vie. Un an, c’est un an de trop : un an sans école pour beaucoup d’enfants, un an avec des examens mal préparés pour beaucoup d’autres, un an à ne pas savoir ce qu’il se passera demain. Depuis la conquête au mois de septembre 2014 du village de Hassan Chami et du Mont Daniel, les Peshmergas se trouvent à 8 kilomètres de Qaraqosh, la plus grande ville chrétienne d’Irak. Si la coalition internationale en faisait une priorité, les villages des chrétiens, des yézidis, des kakaïs et des shabaks pourraient être libérés à très court terme. Au lieu de cela, ceux qui font la mosaïque religieuse et culturelle de l’Irak et du Proche Orient en sont réduits à devoir attendre une hypothétique opération pour libérer Mossoul. Pourtant il y a deux sujets distincts : la plaine de Ninive, d’une part, et la ville de Mossoul, d’autre part. Il faut d’urgence une opération militaire pour libérer, puis protéger la plaine de Ninive, sans attendre de reprendre Mossoul. Une avancée militaire de seulement vingt kilomètres redonnerait espoir et avenir à tous ceux qui se couchent en rêvant d’ouvrir à nouveau les volets de leurs maisons abandonnées.
Faraj Benoît Camurat, président de Fraternité en Irak
Actualité Erbil