ACTION – Dans la lignée des boulangeries et usines de crème de sésame déjà ouvertes, Fraternité en Irak a financé intégralement, à Alqosh, une fabrique de « kubba », beignets de viande traditionnels. Elle permet à plusieurs membres de la communauté locale de travailler, et aux autres de se fournir à un prix abordable.
De la cuisine typique et familiale, c’est ce que propose la petite fabrique installée dans les murs du monastère où s’affairent Souha, Nidhal et Maha depuis quelques mois. Le kubba, sorte de beignet de boulghour fourré à la viande hachée et à l’oignon, y est à l’honneur. On y trouve aussi notamment des bouraka, beignets de feuilles de brick fourrés à la viande et au persil, et des batata jaba, beignets de pommes de terre fourrés à la viande.
La viande est mixée avec des oignons
avant d’être étalée sur une pâte
transformée en petits rouleaux fourrés !
La fabrique est située dans le village d’Alqosh, à quelques kilomètres de la ligne de front au nord de Mossoul qui partage le Kurdistan irakien et la région tenue par Daech. La proximité avec la ligne de front a entraîné le départ de nombreuses familles du village mais aussi l’arrivée de déplacés de la plaine de Ninive. Dans le village, les moines du monastère antonin jouent un rôle majeur dans l’accueil et la survie de ces déplacés. Fraternité en Irak se rend à Alqosh depuis 2012 et connaît bien les moines, aussi a-t-il paru important de monter un projet de développement économique local avec eux.
Tout comme c’était le cas pour les boulangeries ou les fabriques de « rashi » déjà développées par Fraternité en Irak, ce projet a autant été pensé pour permettre de donner du travail à des membres de la communauté que pour insuffler un élan à leur fragile économie locale, afin que le résultat soit bénéfique à tous.
La clique de la fabrique
Si ce projet est né sous l’impulsion d’Abuna Gabriel, responsable du monastère et personnage central à Alqosh, c’est Abuna Raphaël qui était en charge des travaux et du développement du projet et qui en assure l’administration. Et c’est sur trois chevilles ouvrières que repose à présent la production et la vente.
Nidhal, mère de quatre enfants, a fui le chaos Bagdadi en 2010. Elle apporte son expertise à l’équipe, ayant travaillé 20 ans dans une fabrique de kubba dans la capitale. A ses côtés, on trouve Souha, habitante de la ville, mère de six enfants, qui a permis par son savoir-faire le lancement de la fabrique mais qui devrait quitter le pays cet été pour la France. Enfin, Maha, elle aussi maman de quatre enfants, est originaire de Mossoul où elle travaillait dans une usine Pepsi avant son mariage.
Des installations ad hoc
Tributaires des heures où l’électricité est disponible, elles travaillent de 15h à 21h, principalement à la main, dans une des trois pièces de leur local, entourées d’un pétrin, de hachoirs et d’un moule à kubba. Les produits sont conservés au froid dans une pièce voisine, et la troisième est dévolue à la vente.
Si l’acquisition du permis de fabriquer et des machines a pu être effectuée rapidement, si Fraternité en Irak a pu avancer des fonds pour le lancement de l’activité, ce sont bien les locaux de l’atelier qui ont retardé la mise en place du projet : il était initialement prévu de louer un cinq pièces dans la ville, mais au vu de la difficulté de trouver des locaux suffisamment salubres à des loyers abordables, il a été décidé d’installer la fabrique dans l’enceinte du monastère. Plus précisément dans l’un de ses bâtiments qui nécessitait des travaux. Finitions du bâtiment, humidité des murs, rénovation des raccordements électriques, peintures, fenêtres et sols ont requis un temps certain avant que l’installation des machines (dans des locaux à présent parfaitement propres et opérationnels !) soit rendue possible.
Des objectifs ambitieux…
Souha, Nidhal et Maha sont en confiance auprès de la communauté chrétienne d’Alqosh et d’Abuna Gabriel. Dorénavant il faudra songer à remplacer Souha après son départ, mais il est aussi envisagé d’étoffer l’équipe en vue du développement de la fabrique et de ses ventes : en effet Abuna Gabriel est confiant quant au succès de cette entreprise, de par la qualité des produits et sa gestion, mais aussi en raison de l’esprit qu’il veut voir s’y installer. Auparavant, deux tentatives de fabrique de kubba ont échoué à Al Qosh : les entrepreneurs, avides de profit immédiat, avaient négligé la qualité des produits comme la gestion de leur développement et de leurs fonds.
A l’inverse, le monastère cherche à créer de l’emploi et à œuvrer pour le bien commun avant de faire du profit à tout prix, et cette optique a permis d’instaurer un climat de confiance entre les employés et le couvent autant qu’entre les clients et le monastère, lequel joue un rôle très positif dans le tissu social local. Pour preuve, les clients sont ravis de venir se fournir au monastère.
Le processus de fabrication du « batata jaba » : beignet de pomme de terre
Ces kubba de toutes tailles devraient être progressivement vendus sur un rayon de plus en plus large, jusqu’à Dohuk, voire dans tout l’Irak en fonction des autorisations des gouvernorats kurdes et de Bagdad. Il est donc question de recruter et, en fonction de la croissance de cette micro-entreprise, d’augmenter les capacités de production : machines, local… et génération d’énergie, étant donné les contraintes liées à l’électricité.
… mais une ambition fondamentale
Au-delà de l’aspect purement économique, ce qui est primordial est que le succès de ce projet qui se profile rejaillisse sur la communauté : par l’excédent généré qui sera utilisé par l’Eglise pour les déplacés, mais surtout par son impact sur leur confiance en eux, leur sentiment d’autonomie et de dignité. Fraternité en Irak soutient financièrement la fabrique pendant sa phase d’amorçage. Elle sera ensuite entièrement gérée par et pour la communauté locale et ce qu’elle compte de déplacés.
L’équipe de la fabrique au complet, fière du travail réalisé !