Présentes dans les villes d’Erbil, de Kirkouk et de Zakho, trois équipes de Fraternité en Irak ont vécu la fête de Noël avec les réfugiés irakiens. Récit.
> À Erbil, un grand dîner de fête pour adoucir la lassitude des déplacés
Dans la capitale du Kurdistan irakien où se sont réfugiés des dizaines de milliers de chrétiens chassés de la plaine de Ninive par l’Etat islamique, la messe de Noël est célébrée par sa Béatitude Louis Raphaël I Sako, patriarche des chaldéens, en présence de Nachirvan Barzani, Premier ministre du Kurdistan. Sous une grande tente, derrière l’Ankawa Mall, un supermarché désaffecté dans lequel habitent des centaines de déplacés, la célébration se déroule sous haute surveillance. Routes barrées et portiques électroniques accompagnent peshmergas et gardes du corps. « Il faut être patient, la vie de l’ennemi sera courte » lance Barzani à l’assistance composée principalement de déplacés chrétiens qui ont trouvé refuge à Erbil.
Juste après la messe, les membres de Fraternité en Irak se joignent à la soirée festive organisée par les Dominicains de Qaraqosh au centre de déplacé El Karma dont ils s’occupent. 800 personnes sont réunies pour un grand dîner de fête ! Les nombreux enfants ont composé des chansons et improvisé des danses. Un moment émeut particulièrement l’assistance : les plus jeunes défilent avec des pancartes sur lesquels sont inscrits les noms du village qu’ils ont dû fuir. Pour chaque ville, un chant raisonne dans la pièce « Qaraqosh, attend-nous, nous reviendrons ! »
Après le spectacle, la soirée commence pour les adultes et les membres de Fraternité en Irak qui se prêtent bien sûr au jeu en dansant le « tchobi », une danse kurde où chacun se donne la main pour former une farandole. Toute la chorégraphie est dans les pieds (les pas ne sont pas évidents!) et dans le mouvement d’épaule ! La joie emplit la petite salle et chacun semble un moment oublier la situation délicate dans lequel il se trouve. La lassitude pourtant, est perceptible chez tous. Nous avons été reçus comme si nous étions les plus pauvres, mais surtout comme si nous appartenions à la même famille. Nombreux sont ceux qui ont invité les membres de Fraternité en Irak à revenir pour fêter Noël l’an prochain à Qaraqosh ou dans les autres villages de la plaine de Ninive. Aucun n’envisage de rester à Erbil. Jusqu’à quand patienteront-ils avant de quitter l’Irak ?
> À Kirkouk, un Noël tourné vers l’accueil des réfugiés
La messe de Noël est célébrée par Mgr Joseph Thomas Mirkis dans une cathédrale tellement pleine que certains suivent la célébration depuis le parvis où a été installée une immense crèche. Le gouverneur de la ville, Najmaddin Karim, assiste à cette messe de Noël. Dans la fraîcheur hivernale, les membres de Fraternité en Irak retrouvent les personnes visitées à de nombreuses reprises ces dernières années ainsi que des déplacés qui viennent de s’installer à Kirkouk. Les kirkoukis font tout leur possible pour aider ces nouveaux arrivés. « Grâce à eux, les bancs de l’église se remplissent, souligne Ryan, un ami de Fraternité en Irak, mais ce qui est dur c’est que dans le même temps, quelques habitants de Kirkouk partent à l’étranger. » Jordanie, Liban, Allemagne, Canada, France : chaque semaine, des familles prennent la route de l’exil laissant ceux qui restent dans l’incertitude de l’avenir. Le dîner du réveillon de Noël est sobre cette année. Le patriarche a demandé aux chaldéens de ne pas faire gras en hommage aux martyrs chrétiens et kurdes. La veille, un jour de jeûne avait été proposé pour la libération de la plaine de Ninive. À ce moment de l’année si symbolique de l’année, la présence des membres de Fraternité en Irak est appréciée et les amitiés nouées depuis 2011 s’en trouvent encore renforcées. Le 25 décembre, une rencontre nous marque particulièrement. Une famille de chrétiens est arrivée la veille de Sinjar, ville où vivent aussi beaucoup de Yézidis et dont l’état islamique s’est emparée cet été. Après des semaines de cohabitation, les djihadistes les ont littéralement chassés et, après maintes menaces, les ont emmenés dans une voiture aux vitres aveugles à la frontière de Kirkouk via la ville de Mossoul. Ils ont dû attendre quatre jours aux portes de Kirkouk, presque sans rien à manger, car les autorités kurdes leur refusaient l’entrée. Ne connaissant personne dans la ville, ils sont désormais accueillis dans l’une des paroisses chaldéennes. La grand-mère de 90 ans nous serre dans ses bras en pleurant et en remerciant le ciel d’avoir la vie sauve.
> À Zakho, dans les villages de montagnes
À l’extrême nord de l’Irak où la neige est déjà arrivée et où beaucoup de réfugiés chrétiens et yézidis vivent dans des conditions extrêmement précaires, la messe est plus intime, mais les gens semblent heureux et chacun veut oublier pour une soirée les difficultés liées à la guerre. À la sortie, le père Noël se mêle à la fête distribuant des jouets.
Les membres de Fraternité en Irak retrouvent sœur Amira, une religieuse de Qaraqosh avec qui ils organisaient chaque année un centre aéré pour les enfants défavorisés. Celle-ci se démène pour aider les déplacés, mais la fête de Noël a cette année un goût amer pour elle. « Il n’y a pas autant de joie que l’an dernier à Qaraqosh, soupire-t-elle. Le plus dur c’est que certains habitants qui se sont réfugiés bien plus loin dans la montagne n’ont pas pu se rendre à la messe… ». Ce sont ces familles réfugiées dans les petits villages de montagnes que les membres de Fraternité en Irak ont visitées le jour de Noël.