Témoignage de Cécile, volontaire de retour après une mission d’un an en Irak

Témoignage de Cécile, volontaire de retour après une mission d’un an en Irak

Cécile a passé un an comme volontaire responsable du programme de relance économique dans la plaine de Ninive. Durant cette mission très importante pour Fraternité en Irak, elle a pu accompagner 56 entrepreneurs, artisans et agriculteurs dans la relance de leur activité et ceux-ci ont créé 107 emplois ! De retour en France, elle décrit ses impressions sur sa mission et sur l’Irak.

Cécile, tu as passé un an comme volontaire responsable du programme de relance économique dans la plaine de Ninive, en quoi consistait ton travail précisément ?

Je suis partie en septembre 2018 en Irak. Ma mission était de continuer un travail lancé et développé depuis mars 2017 par deux volontaires dans la plaine de Ninive. Ce travail consiste à favoriser le retour des entrepreneurs chez eux en finançant leur équipement de travail et parfois la rénovation de leur atelier grâce à un système comportant un prêt (80% du montant investi) et un don (20% du montant investi).

En tant que responsable du programme, il s’agissait donc de suivre les entrepreneurs relancés et d’accompagner le remboursement des prêts. La deuxième partie de mon travail était d’évaluer les besoins de la zone couverte par le programme, identifier de potentiels bénéficiaires, évaluer avec eux la viabilité de leur projet économiquement et matériellement, et relancer les entrepreneurs sélectionnés en les accompagnant dans l’achat de leur équipement. Grâce à ces missions très diverses, j’ai beaucoup appris sur des métiers très variés : de la menuiserie à l’élevage de poulets en passant par l’achat de plus de 2000 moutons en six mois, autant dire que je suis sortie de ma zone de confort !

Ma mission a été marquée par l’extension du programme à des villages kakaïs, une minorité religieuse peu connue, mais reconnue pour son activité d’élevage de moutons et de veaux au nord de l’Irak. C’était le début de la relance de projets en lien avec l’agriculture. Le second temps fort a été l’implantation du programme au nord de Mossoul à Batnaya et Tel Kief, deux villes durement touchées par Daech. Il s’agissait alors d’agir à un moment clé pour ces deux villages. En effet, un an après leur libération, personne n’avait pu rentrer et les travaux de reconstruction débutaient à peine !

Enfin, mon rôle était aussi de représenter Fraternité en Irak auprès des acteurs locaux ou des donateurs, de réaliser les démarches administratives et de gérer une équipe locale pour assurer la bonne mise en place de notre action.

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Qu’est ce que tu as préféré dans ta mission ?

J’aurais du mal à identifier un moment en particulier car ma mission était longue et passionnante. Toutefois pendant six mois, j’ai été quotidiennement au sein des villages kakaïs situés entre le Kurdistan et l’Irak au sein des territoires disputés. Et je dois dire que la découverte de cette minorité, en voie de disparition et à la religion secrète, a été un des moments les plus forts de ma mission. J’ai vécu avec eux, à leur rythme, celui des fêtes, des mariages, des décès. J’ai aussi vu l’avancée du déminage dans cette zone reculée.

Les kakaïs ont souvent été considérés comme des citoyens de seconde zone, ballottés entre les guerres, convertis de force à l’islam… Participer à la relance de cette zone en mettant à nouveau en valeur l’élevage local était une grande joie. J’ai été impressionnée par la motivation des éleveurs et leur confiance dans la durée. A mon départ, les premiers entrepreneurs que j’avais relancés ont commencé à rembourser, un signe fort du succès du programme.

J’ai aussi eu la chance de rencontrer de très nombreuses personnes au cours de mon année en Irak. Chaque témoignage a été un signe de confiance et m’a apporté un nouveau regard sur l’Irak, sur ce que pays a pu être et est aujourd’hui : blessé, détruit mais aussi riche, divers chaleureux, beau.

Je garderais aussi en tête la joie d’avoir participé à la relance de la première femme du programme : Najlaa. Son courage et sa détermination m’ont impressionnée. Elle a été un exemple de motivation et de force qui m’a poussée à me donner à fond dans ma mission.

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Qu’est ce qui t’a le plus marquée dans cette expérience auprès des entrepreneurs irakiens qui ont survécu à 3 ans d’occupation et de conflit avec Daech ?

Cinquante ans de guerre ou de conflit quasi-successifs n’ont pas eu raison des Irakiens et la reconstruction des villes est bien en marche. Les Irakiens sont résilients : ils ont l’étonnante capacité de rebondir sans cesse. La vie continue même dans les moments les plus durs. Aujourd’hui, la reprise des territoires contrôlés jusqu’en 2016 par Daech en Irak laisse souvent penser que l’Irak est de nouveau un pays en paix. Pourtant, je crois quand même avoir touché du doigt la guerre. Il ne s’agit plus d’un concept éloigné. J’ai souvent réalisé combien la violence fait désormais partie intégrante du quotidien de millions d’Irakiens.

J’ai écouté tout au long des mois de nombreuses familles me raconter leurs histoires : pour les chrétiens leur exode et leur exil ; pour les Yézidis, le tragique destin de cette population génocidée et de ces femmes brisées par Daech. Forcément tous ces témoignages sont marquants. La reconstruction des cœurs demandera davantage de temps et d’efforts.

Mais j’ai eu la chance de beaucoup me déplacer dans la plaine de Ninive, d’aller à la rencontre de différentes minorités religieuses et d’apprendre à les connaitre dans la durée. Travailler en lien avec plusieurs d’entre elles était aussi un moyen de faire un lien entre toutes. Soutenir des familles kakaïes grâce aux remboursements des premières familles yézidies et chrétiennes relancées, venir en aide aux familles chaldéennes de Tel Kief et Batnaya grâce aux élevages kakaïs sont des signes forts : un premier lien et une entraide ont été recréés entre ces communautés et aucune famille n’y est indifférente.

Merci Cécile pour ton engagement et ton travail ! Bonne continuation à toi !

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