Cinq petites particularités de Pâques à Mossoul

Cinq petites particularités de Pâques à Mossoul

Abouna Pios a grandi et a été ordonné prêtre à Mossoul où il est resté jusqu’à l’arrivée de Daech en 2014. Il visite désormais régulièrement sa paroisse, Saint Thomas (Mar Toma, que Fraternité en Irak contribue à restaurer), dans la ville libérée depuis 2017. Il nous raconte ses souvenirs de Pâques, dans la cité qui accueillait autrefois une grande communauté chrétienne. Discussion avec lui, et découverte de quelques spécificités mossouliottes sur la façon de fêter Pâques…

Une expression populaire

À Mossoul, la vie des chrétiens a toujours été rythmée par les fêtes liturgiques. « Pâques, nous l’appelons “la grande fête” – en arabe aïd al kabir : on retrouve la même allusion chez les musulmans faisant mémoire du sacrifice d’Abraham… » Et on retrouve aussi cette prééminence festive dans une expression populaire : « pour évoquer le fait qu’une sœur cadette se marierait avant son aînée, on dit encore à Mossoul « Noël, fête mineure, devance Pâques, fête majeure » ! ». En France, nous connaissons l’expression « fêter Pâques avant les Rameaux« , mais le sens est sensiblement différent…

Des costumes et des biscuits

« Le samedi qui précède la fête du dimanche des Rameaux, les enfants enfilaient leurs beaux costumes et célébraient l’entrée à Jérusalem avec des chants populaires… Cela se fait encore ailleurs en Irak. Cette  coutume remonte aux Assyriens ! Une autre marque de cette fête des Rameaux est aussi l’abondance de kleichat jaunes. » Le kleicha est un biscuit traditionnel irakien que l’on farcit généralement avec une pâte de datte (kleichat tamur) ou un mélange de noix et de sucre. Les formes différentes selon les biscuits devaient faire allusion au printemps.

Quand tous les prêtres célébraient la Cène individuellement, mais à la même table.

« Dès le lundi de la Semaine sainte, et pendant toute la semaine d’ailleurs, de grands offices sont célébrés, comme dans tous les rites, du matin au soir. Enfants, nous passions des heures à l’église sans toujours comprendre le sens profond des textes et des chants, mais ils étaient très beaux ! ». Le Jeudi Saint, c’est la Cène, la fête de l’Eucharistie. « Dans le rite syriaque, les prêtres célébraient individuellement leur messe, dans la matinée. Individuellement oui, mais sur une seule et grande table ! » Le principe de concélébration n’est apparu qu’avec le concile Vatican II (1962-65). « Et le lavement des pieds, désormais intégré à l’office, se déroulait auparavant durant l’après-midi. »

Le Vendredi saint, sermons et procession.

Le Vendredi Saint dans le rite syriaque partage les mêmes offices que le rite latin, mais Abouna Pios nous raconte qu’il était traditionnellement accompagné à Mossoul – et peut-être ailleurs – d’un « sermon en trois parties – chacune de 15 à 30 minutes ! » Ensuite avait lieu la procession du « cercueil de la Croix », tradition du rite syriaque toujours vivante.

À Pâques, pas de chocolats, mais kleichat (encore) et kubba.

« Au cours de la Semaine Sainte, on préparait le kleicha de la fête, cette fois-ci farci de noix et de dattes. Mais nous ne devions pas, enfants, les laisser toucher nos langues avant le grand jour ! Et nous jeûnions les Vendredi et Samedi saints, en attendant le samedi et la Vigile pascale, avant de pouvoir enfin les déguster ! ».

« Le dimanche de Pâques, fête des fêtes, la messe solennelle était célébrée de bon matin, à l’aurore. » En fait, c’est encore souvent le cas en Irak, et pas seulement pour les syriaques. Les hypothèses pour expliquer cela ne manquent pas, à commencer par le fait que le weekend irakien officiel correspond aujourd’hui au repos musulman (c’est-à-dire le vendredi et le samedi, et non le samedi et le dimanche). Après la célébration du matin de Pâques, le repas de fête mettait – et met toujours – à l’honneur « le fameux kubba irakien, pour les fidèles qui avaient parfois jeûné durant les 40 jours du Carême », raconte Abouna Pios.

Abouna Pios

Joyeuse fête de Pâques à tous !

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