Vie quotidienne et espoirs des étudiantes déplacées de Kirkouk

Vie quotidienne et espoirs des étudiantes déplacées de Kirkouk

by Fraternité en Irak Actualité Etudiants Formation Kirkouk Mossoul

VIE QUOTIDIENNE – Fraternité en Irak rend régulièrement visite aux étudiants chassés de chez eux par Daech et qui ont trouvé refuge et assistance dans le diocèse de Kirkouk pour poursuivre leurs études. À travers divers articles, nous essayons de vous faire mieux comprendre leur vie, leurs difficultés et leurs espoirs pour l’avenir. Immersion dans un foyer d’étudiantes à Kirkouk.

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Avec les étudiantes déplacées dans leur foyer – © Fraternité en Irak

Ils sont 400. Beaucoup sont chrétiens, venus des villes de la plaine de Ninive. Ils poursuivaient leurs études à l’université de Mossoul lorsque Daech s’est emparé de la région. Ils ont fui au Kurdistan irakien mais n’ont pas pu y reprendre leurs études car ils ne parlent pas kurde. Après plusieurs mois sans pouvoir retourner à l’université, ils ont été accueillis à Kirkouk, seule ville du Kurdistan où les cours sont en arabe. Sans ressource, ils sont accueillis par le diocèse qui prend en charge leur logement, la nourriture, le transport, les fournitures, etc. Mgr Yousif Thomas, l’archevêque chaldéen de la ville, a pris le problème à bras le corps pour leur permettre de poursuivre leurs études et se démène pour trouver les fonds nécessaires à leur accueil. Le diocèse accueille aussi des étudiants d’autres religions : des yézidis, des mandéens et des musulmans qui ont fui eux aussi les zones conquises par l’État islamique.

« Je suis très touchée de la confiance que m’a accordée Mgr Yousif Thomas Mirkis en me demandant d’organiser la vie quotidienne de la maison », témoigne ainsi Fatin Nabil, une musulmane de Ramadi, responsable d’un foyer de 36 étudiantes. « Ici c’est plus agréable que chez nos parents qui sont réfugiés », explique aux membres de Fraternité en Irak Nada, musulmane, originaire elle aussi de Ramadi,  à côté de Bagdad, une ville prise par Daesh fin décembre 2013. Ses parents sont réfugiés à Erbil, et elle est en 5e année de médecine générale à Kirkouk.

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Fatin, la responsable de la maison des filles, en discussion avec un des membres de Fraternité en Irak – © Fraternité en Irak

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Nada, musulmane, elle vient de Ramadi, une zone touchée par les combats contre l’Etat islamique – © Fraternité en Irak

Réunies dans le salon de leur « foyer », l’une des maisons que loue le diocèse pour loger les 400 étudiants, les jeunes filles racontent la vie communautaire qui s’est peu à peu organisée entre l’université et le travail à la maison. Malgré leurs différences – religieuses notamment – elles racontent les amitiés qui se sont nouées ici, exceptionnelles en Irak car les diverses communautés religieuses se fréquentent assez peu. Pour le visiteur extérieur, ce lien qui les unit et leur complicité sont manifestes.

La vie quotidienne bien réglée

Le matin, les étudiantes restent au foyer car l’université est utilisée par les étudiants de Kirkouk. Les réfugiés ont cours l’après-midi. De ce fait, tous les étudiants ont vu les heures de cours diminuer et les contenus se condenser. « Nous voyons en une heure ce qui nécessiterait trois heures de cours ! », s’exclame l’une des étudiantes. Cette arrivée de nombreux élèves réfugiés dans l’académie de Kirkouk a surchargé les classes, ils sont désormais 180 par salle. L’université n’a pas fait de cadeaux aux réfugiés accueillis. Bien au contraire, les professeurs sont très exigeants, d’autant que les déplacés doivent rattraper les mois de cours qu’ils ont manqués. « C’est effectivement dur, confirme Mgr Yousif Thomas Mirkis. C’est pourquoi je m’occupe de tout pour eux. La seule chose que je leur demande, c’est de réussir leurs examens. Je suis très fier et très heureux car l’an dernier, tous ont réussi. »

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Vue de l’université de Kirkouk – © Fraternité en Irak

Le reste du temps, les étudiantes travaillent, effectuent les tâches ménagères de la maison, discutent entre elles. Les « corvées », sont réparties. Chaque jour, deux jeunes filles s’occupent de la cuisine et deux autres du ménage, nous expliquent Hiba, 23 ans et Jiyan, 26 ans, toutes les deux originaires de Ba’ashiqa, un village chrétien de la plaine de Ninive. Elles étaient étudiantes à Mossoul. Quand Daech s’est emparé de la région, leur famille a fui à Dohuk, au nord de l’Irak, où elle vit actuellement. « C’est compliqué d’être ainsi séparées de nos proches, mais en même temps, nous sommes heureuses de vivre cette vie communautaire avec d’autres filles, racontent-elles. Dans la tradition irakienne les jeunes adultes irakiens ne quittent leur domicile familial que pour se marier. L’expérience que nous vivons à Kirkouk nous pousse à compter sur nous-mêmes, nous sommes plus indépendantes. »

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Hiba et sa soeur Jiyan dans le dortoir du foyer qu’elles partagent avec d’autres étudiantes – © Fraternité en Irak

Hiba est en 4e année de biologie et elle a eu vent de l’initiative de l’évêque de Kirkouk d’accueillir les étudiants grâce à une amie qui étudiait à Mossoul avec elle. « J’ai encore quelques nouvelles d’amies de la fac restées à Mossoul, témoigne-t-elle. Elles me racontent par Facebook que Daech a fait fermer les cours à l’université. Contrairement à l’été 2014 où les habitants ont eu le choix de partir, ce n’est plus possible maintenant, à moins de payer au moins 8000 dollars. Elles sont comme dans une prison. »

Partir ou rester ?

Comme d’autres étudiantes, Hiba nous parle de son désir de partir en Europe. En passant du temps avec le groupe de jeunes filles, nous décelons chez elles une peur ambivalente. À la fois la peur de revivre l’exil et les persécutions et la peur de quitter leurs racines pour tout recommencer. « Nous ne voulons pas émigrer parce que nous savons que c’est très difficile lorsque tout est nouveau, mais en restant nous avons peur que cela recommence en Irak », résume l’une d’elles.

Mgr Yousif Thomas Mirkis, en les accueillant sans condition, fait tout pour que ces étudiants reprennent espoir dans un avenir possible en Irak, soulignant qu’ils ont un rôle à jouer, par leurs compétences, pour rebâtir le pays. Il raconte l’histoire de cette jeune femme déplacée, aujourd’hui en 3e année de médecine à l’université de Kirkouk. Toute sa famille a émigré, mais elle a fait le choix de rester pour pouvoir aller au bout de ses études.

 

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Les étudiantes du foyer réunies dans la pièce commune – © Fraternité en Irak

Fraternité en Irak soutient Mgr Yousif Thomas Mirkis dans l’aide qu’il apporte aux étudiants. L’association finance par exemple le loyer de deux foyers pour environ 70 étudiants. Mais le coût d’un tel accueil est très important. La vie de chaque étudiant nécessite environ 10 euros par jour.

Nous avons besoin de vous pour parrainer les étudiants de Kirkouk et leur permettre de construire leur avenir.