L’Art de Vivre en Irak

L’Art de Vivre en Irak

EVENEMENT – Retour sur les « Rencontres artistiques franco-irakiennes », un événement inédit organisé à Erbil les 7, 8 et 9 novembre derniers, par la mission artistique de Fraternité en Irak ! Récit de plusieurs mois d’intenses préparatifs et de trois jours d’émotions !

Si l’art irakien compte parmi les plus anciens du monde, si les témoins de cette histoire florissante restent nombreux malgré une destruction méthodique, la création contemporaine y est aujourd’hui très limitée. Les guerres successives et la censure de Saddam Hussein ont étouffé la création. La montée de Daech s’est accompagnée d’une volonté d’instrumentaliser la création artistique irakienne.

Les « rencontres artistiques franco-irakiennes » organisées à Erbil du 7 au 9 novembre sont nées d’échanges et d’amitiés noués entre artistes irakiens et volontaires de Fraternité en Irak. Face à l’exil, la séparation, la destruction et la mort, l’art exprime la douleur des cœurs et l’espérance qui pourtant perdure. Fraternité en Irak a donc souhaité, par le biais de ce projet, donner un lieu d’expression aux artistes irakiens sur le thème « Exode et espérance ». Pour que rejaillisse la lumière en eux et qu’elle déborde pour toucher, le plus largement possible. Et la meilleure façon de faire est de comprendre ce que l’autre a dans le cœur : le principe fondateur du projet est bien de laisser la parole aux artistes irakiens…

Un projet murement réfléchi

Ce projet a rencontré un certain succès dès sa présentation en juin 2016. Il s’est concrétisé au fil des mois et des rencontres. Une dizaine d’artistes de Bagdad, Kirkouk, Ainkawa, Alqosh, Souleymania ont candidaté avec une, deux, voire six œuvres plastiques. Des comédiens et des musiciens ont également accepté de participer à cet événement.

L’exposition s’est ensuite rapidement montée grâce à l’efficacité des artistes, du centre culturel chaldéen qui a prêté quarante chevalets, à la créativité d’Ibrahim et des artistes Ruaa et Frdos Zora. Et que dire de la virtuosité de l’ébéniste qui a réussi à réaliser en trois jours une quarantaine de cadres sur mesure !

« L’art permet de témoigner de la beauté du monde »

Le 7 novembre à 17 h, l’exposition est déclarée ouverte devant plus d’une centaine de personnes. Saydna Johannes Petros Mouché, l’évêque syriaque-catholique de Mossoul accueille les visiteurs en insistant sur l’importance de la création artistique. « L’art n’est pas uniquement un moyen d’expression individuel, il permet de témoigner de la beauté du monde, de transmettre les messages d’un peuple, d’une époque et d’œuvrer pour la paix. »

Des centaines de visiteurs sont passés admirer les œuvres, écouter les interprétations musicales réalisées en harmonie par des artistes irakiens et français : Youssef à l’Oud, Wissam au clavier, Franck à la clarinette et Vincent à la viguela ; et assister à l’échange de répliques des comédiens dans Martyrs, pièce d’un artiste français sur la prise de Qaraqosh.

Arrachement, exode, mais aussi espérance et joie !

Les œuvres présentées se juxtaposent tout en dialoguant. Elles évoquent l’arrachement, l’exode, la tristesse, la confiance. Elles témoignent aussi des richesses de la culture irakienne, du goût des irakiens pour les couleurs, pour la danse et la fête. Certaines heurtent le spectateur mais lui permettent d’entrer en compassion. D’autres plus légères le font voyager dans une culture ancestrale si riche que la voir disparaître semble impossible. Les genres se mélangent : les couleurs vives de Ruaa peuvent présenter l’attente de la fête du retour tout comme le danger que représente la mer pour les migrants. Parfois les toiles sont des témoins : Lamir en présente deux qu’il a retrouvées dans sa maison de Qaraqosh, déchirées en leur centre par Daech.

Le spectateur qui travaille pour une ONG internationale, la journaliste de passage à Erbil pour un reportage sur la bataille de Mossoul, la femme attirée par la musique, la bande d’ados qui trainaient dans le coin, les familles, les prêtres, les diplomates, tous sont là ! Chacun a sa place, pour rencontrer ces œuvres : contempler les sculptures de Faraj Mousa Bahoo, ces silhouettes oblongues qui parlent de détresse, admirer les couleurs des toiles de Ruaa Faraj Mousa, se laisser bercer come l’enfant de Michael Yousi Hirmez, préparer la fête du retour avec cette femme qui pétrit le pain sur la toile d’Ibrahim Lallo…

Cette exposition n’est qu’un début

Si l’art révèle la beauté du monde, alors le spectateur participe à cette révélation. Au-delà des différences culturelles, ces rencontres sont venues comme un cadeau, un moment de pause où la douceur de la musique apaisait momentanément la douleur des destructions. « La beauté sauvera le monde !» disait Dostoïevski. L’exposition itinérante prévue en France en 2017 constitue la prochaine étape de ce projet artistique.

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