EVENEMENT – Le 5 août 2016, deux ans jour pour jour après la fuite de dizaines de milliers de chrétiens de Qaraqosh et de la plaine de Ninive, trois jeunes prêtres du diocèse syriaque catholique de Mossoul ont été ordonnés à Ankawa, le quartier chrétien d’Erbil. Fraternité en Irak vous raconte cette célébration pleine d’espoir.

Dès 8h30 ce vendredi matin de début du mois d’août, l’église de Mart Schmouni est déjà comble. Familles, amis, ou simples fidèles sont tous rassemblés pour l’ordination de trois jeunes prêtres syriaques catholiques. Construite par l’Oeuvre d’Orient et inaugurée en avril dernier, l’église de Mart Schmoni, située dans le quartier chrétien d’Ankawa, accueille pour la première fois un tel événement. 

Sur les quatre séminaristes ordonnés diacres en mars dernier, seuls Rony, Arteen, (qui a pris à cette occasion comme le permet la coutume le nom de Petrus) et Emad sont ordonnés ce matin-là. Le quatrième a été détaché à sa demande pour le diocèse de Bagdad.

Dans l’église de Mart Schmoni, en attendant les ordinations. © Fraternité en Irak

Rony a 27 ans et vient de Qaraqosh où il a grandi au sein d’une famille chrétienne. Il a reçu l’appel du Seigneur dans son enfance, la prière étant au cœur de leur vie de famille. « Notre ordination et celle de mes deux frères prêtres va donner de la force aux gens parce qu’ils vont voir des jeunes qui ont tout quitté mais dont se dégage une grande paix. Notre Église est en vie ! Nous sommes poussés par une force qui n’a rien à voir avec une force d’homme », témoigne le jeune homme.

L’ambiance est joyeuse et les youyous des femmes se font entendre dès l’arrivée des séminaristes dans l’église. Vêtues pour certaines de l’habit traditionnel de Qaraqosh, ces femmes colorent l’assemblée et leur joie est communicative. « God bless us », glisse l’une d’entre elles à l’équipe de Fraternité en Irak invitée à cette ordination. Malgré les deux ans d’exil subis par cette communauté, il se dégage une ambiance de fête et d’espoir à travers tout le soin apporté à la cérémonie. La chorale, en particulier, par des chants à plusieurs voix qui se répondaient, a accompagné la ferveur de l’assemblée.

Deux rangées de diacres et sous-diacres et un grand nombre de prêtres sont là pour entourer les trois futurs prêtres. Mgr Grégoire Saliba, évêque émérite syriaque orthodoxe est aussi présent. La messe est célébrée par Monseigneur Petros Mouché, archevêque de Mossoul en exil à Erbil, vêtu de superbes ornements qui ajoutent à la solennité de l’événement.

Chez les syriaques les ordinations se passent entre la consécration et la communion des fidèles, au début de la messe, c’est la différence principale avec le rite latin. En effet, ils attendent que l’Esprit Saint soit descendu sur les hosties (la transsubstantiation se fait par l’Esprit Saint dans le rite syriaque). Un chant durant lequel diacres et prêtres se répondent est le moment d’invocation de l’Esprit Saint. Ainsi, tous les dons de l’Esprit Saint sont demandés.

Après la consécration, les trois jeunes hommes s’agenouillent devant l’autel. Alors que la chorale entonne un chant, l’évêque s’avance vers le premier futur prêtre agenouillé, chante à son tour et le cache sous sa chasuble en disant la prière. Cela signifie que c’est l’Église qui donne la vie, à chacun personnellement.

Contrairement au rite latin, l’onction n’est pas utilisée car elle est reçue au moment du baptême une seule fois pour la vie. L’imposition des mains de l’évêque suffit pour l’ordination.
Puis vient la remise des habits dont ils auront besoin et un calice. Enfin, les prêtres nouvellement ordonnés bénissent l’encens et vont encenser leur évêque puis l’assemblée des fidèles.

À la fin de la messe, les youyous et les bonbons pleuvent sous les applaudissements de l’assemblée, les nouveaux prêtres sont portés en triomphe par leurs amis et leur famille. Tous les fidèles se sont précipités pour embrasser et féliciter les trois nouveaux prêtres, dont les visages fatigués étaient néanmoins profondément heureux. Le temps d’une matinée, l’exil était oublié, les épreuves dépassées. La grâce et l’espérance palpables ramenaient les chrétiens à des temps où ils étaient chez eux.

Les prêtres de la communauté déplacée se répartissent dans trois zones du Kurdistan. Rony, comme ses deux autres frères prêtres sera prêtre pour toutes les paroisses rattachées à Mart Shmouni. Ils font partie de la communauté des prêtres d’Ankawa. Ils seront disponibles pour tous types de missions au service de la communauté. 

« Ces ordinations sont vraiment pour moi le signe d’une Eglise vivante qui continue de donner de l’espérance, se réjouit Mgr Petros Mouché chassé de Qaraqosh par Daech avec tous ses diocésains il y a deux ans. Nous avons eu deux entrées au séminaire l’année dernière, et un l’année d’avant. C’est un peu moins qu’avant car la vie est dure… Mais malgré les épreuves que nous traversons, notre diocèse reste riche en vocations sacerdotales. »