TÉMOIGNAGE – Une équipe de Fraternité en Irak a passé la Semaine Sainte et Pâques avec les déplacés chrétiens de la plaine de Ninive. D’Erbil à Alqosh en passant par Inishke ou Araden, récit de ces moments forts.

Les Rameaux. C’est sous une pluie battante que s’élance la procession. Au moins un millier de personnes sont présentes à Kaznazan, un quartier à la périphérie d’Erbil dans lequel sont logés beaucoup de déplacés. C’est avec eux que Mgr Petros Mouché, archevêque syriaque catholique de Mossoul et Qaraqosh, lui aussi en exil, célèbre l’entrée de Jésus à Jérusalem. Le soir a lieu une veillée à la bougie dans le camp d’Ashti, à Erbil. La nouvelle église Al Bichara s’illumine dans la nuit.

Bénédiction des rameaux par Mgr Petros Mouché – © Fraternité en Irak

Veillée le soir des Rameaux dans le camp de déplacés d’Ashti – © Fraternité en Irak

Jeudi Saint. Les membres de Fraternité en Irak sont à Alqosh, petit village chrétien du nord de la plaine de Ninive à une quinzaine de kilomètres de la ligne de front avec l’État islamique. Au fil des années, des liens d’amitié se sont noués avec les moines du monastère antonin de la ville. Dans l’église du monastère, la cérémonie du lavement des pieds a une grande importance. Chaque année, c’est un groupe social du village qui est choisi pour participer à ce rite. Ici, c’est un honneur. Cette année, ce sont les professeurs à la retraite qui sont mis en avant. Dans l’église pleine, le Père Joseph leur lave les pieds puis leur fait boire un verre de vin et leur offre un cadeau.

Lavement des pieds au monastère antonin d’Alqosh

© Fraternité en Irak

L’église placée sous le patronage de Notre-Dame des moissons – © Fraternité en Irak

Office des Ténèbres au monastère antonin d’Alqosh – © Fraternité en Irak

Vendredi Saint. C’est à Inishke que l’équipe se rend pour le Vendredi Saint. Ici, la Passion prend tout son sens. Le village accueille des centaines de familles réfugiées, chrétiennes et yézidies. Le Père Samir, prêtre chaldéen de la ville, s’occupe à temps plein et avec un dynamisme incroyable de leur venir en aide. « Moi je ne fais pas de différences entre eux, explique le P. Samir. J’essaye à chaque fois de distribuer autant d’aide aux chrétiens qu’aux Yézidis ». Dans ce qui était autrefois un village de vacances à la lisière d’Inishke (l’endroit était autrefois très touristique), le prêtre a installé environ 300 familles yézidies. En ce Vendredi Saint, les fidèles rassemblés dans l’église assistent à la descente de la croix. Celle-ci est ensuite portée en procession dans l’église. La chorale chante magnifiquement bien.

Descente et procession de la croix – © Fraternité en Irak

Vénération de la croix – © Fraternité en Irak

Vendredi Saint toujours, à Araden, a lieu une autre procession, cette fois-ci dans l’église syriaque catholique de la ville. Ce n’est plus la croix mais le tombeau du Christ qui est porté en procession. Dans l’assemblée, des familles du village mais aussi de nombreux réfugiés. Le P. Douraid a été nommé là pour les accompagner. Il vit avec sa famille, elle-même originaire de Qaraqosh et déplacée, dans une maison prêtée par un oncle. À Araden, Fraternité en Irak a financé l’équipement d’un petit dispensaire qui sert de pharmacie et de salle de consultation pour une infirmière qui prodigue les premiers soins.

Procession avec le cercueil du Christ à Araden – © Fraternité en Irak

 Samedi Saint. Retour à Erbil. L’équipe se scinde en deux. Mgr Petros Mouché célèbre la veillée pascale à l’église de Sultanat es Salam. « C’est émouvant de voir autant de gens réunis. L’église est pleine à craquer, beaucoup de gens sont dehors, témoigne l’un des membres de Fraternité en Irak. La joie de Pâques est pour certains mêlée de tristesse. Des femmes sont en pleurs, c’est la deuxième fois qu’elles passent les fêtes de Pâques loin de chez elles. »

Veillée pascale à Ashti – © Fraternité en Irak

Autant de monde dehors qu’à l’intérieur ! © Fraternité en Irak

 Au cœur du camp de déplacés d’Ashti, c’est dans l’église Al Bichara, construite au milieu des mobil-homes par Fraternité en Irak que se déroule la veillée. Là aussi, le bâtiment déborde ! Les 1000 places ne suffisent pas à accueillir tout le monde et il y a autant de gens dehors que dedans ! « Une demi heure avant, c’était déjà plein, raconte l’une des membres de Fraternité en Irak. Tout le monde est sur son trente-et-un, les femmes sont très maquillées ! Ce que je retiens, c’est vraiment la joie des gens et leur espérance. » Présente à Erbil pour Pâques l’an dernier, elle estime qu’aujourd’hui, les gens parlent moins de partir à l’étranger. « Il y a même eu dans le camp, quelques familles qui sont revenus du Liban ou même d’Europe où elles n’avaient pas trouvé les conditions de vie attendues. La situation reste difficile, surtout à Ashti 1, la partie la plus ancienne du camp ; mais beaucoup de pères de famille ont trouvé des petits boulots. » À la sortie de la veillée, les retrouvailles sont chaleureuses. Comme l’an dernier, les membres de Fraternité en Irak vont fêter Pâques chez Ibrahim, le directeur adjoint du camp d’Ashti, qui les reçoit comme des rois !