Troisième Noël en exil pour les chrétiens déplacés d’Irak

Troisième Noël en exil pour les chrétiens déplacés d’Irak

by Fraternité en Irak Actualité Chrétien d'Orient Erbil

Si l’actualité géopolitique semble favorable aux minorités irakiennes, la joie de Noël, pour ces chrétiens déplacés, reste teintée d’inquiétude et de tristesse. Arrivée une semaine avant Noël pour passer les festivités au coeur des communautés chrétiennes déplacées, une équipe de volontaires de Fraternité en Irak raconte.

Vu de l’extérieur, Ankawa, le quartier chrétien, n’a pas cet air de fête que nous trouvons en Occident grâce aux innombrables guirlandes lumineuses et autres messages redondants autour des vœux et des joyeuses fêtes. Le camp d’Ashti lui-même, dont les allées brillaient de mille feux l’an dernier, est plus sobrement décoré.

Une sobre mais joyeuse préparation

En revanche, rapidement, nous découvrons que, si l’approche de Noël ne se vit pas dans l’exubérance, la fête se prépare dans le secret des cœurs et des maisons. Dans chaque caravane, chaque appartement, chaque pièce… les murs sont ornés de guirlandes. On a ressorti les crèches et les sapins. A Kirkouk – chez Entishar que nous rencontrons dans une salle de l’école assyrienne, comme à Erbil chez Petros ou chez Nader, les familles sont retournées dans leur village, maintenant qu’il est libéré. Et souvent, lorsqu’ils étaient bien cachés et par conséquent n’ont pas été détruits, sont pieusement rapportés le sapin de Noël et la crèche dont ils faisaient usage autrefois. Les mêmes préparatifs se font dans les églises. Les décorations apparaissent et les crèches sont en bonne place. La magie de Noël approche.

A Suleymania : les mages à la recherche du roi des Juifs.

Dans une pièce de l’école assyrienne de Kirkouk : Entishar et sa famille sont allés récupérer le sapin et la crèche à Qaraqosh.

L’espoir, fragile.

Mais, cette année, comment nos amis Irakiens ont-ils vécu ce troisième Noël d’exil ? « C’est très dur, nous explique abouna Emmanuel, prêtre responsable du camp d’Ashti à Erbil. La libération de nos villages a suscité une grande vague de joie et d’espoir. On a commencé la fête avant même que Daech ne les ait complètement quittés. Mais très vite, la tristesse et l’abattement ont succédé à la liesse. L’ennemi s’est particulièrement acharné sur nos maisons. Les déplacés sont quasiment tous retournés voir leur foyer. Pour ceux qui ont de la chance, la maison n’est que pillée. Le peu de choses qui restent gisent péniblement en désordre sur la crasse des sols des diverses pièces de la maison. Pour ceux qui ont moins de chance, tout a brûlé ».

Mots terribles, difficiles à entendre à la veille de Noël… Mais surtout impossible d’en mesurer la véritable portée : « Daech a utilisé un explosif : du C4, pour détruire, et les murs sont imbibés de ce produit. C’est ainsi que maintenant, on sera obligé d’achever la destruction avant de pouvoir reconstruire. Mettez-vous à leur place. Vous imaginez devoir achever le travail de destruction initié par vos ennemis ? » Tous nous disent que, pour le moment, nul ne peut rentrer. D’abord parce qu’il n’y a plus rien : ni écoles, ni eau, ni électricité… Mais aussi parce qu’une fois la libération de Mossoul achevée, personne ne se risquera à quitter la sécurité du Kurdistan pour son village d’origine s’il n’a pas l’assurance qu’une force de sécurité internationale est là pour les protéger. Et éviter qu’ils ne servent de victimes collatérales dans un nouveau conflit. L’espoir s’est éloigné…

Partout, des crèches vivantes édifiantes

Pourtant, il s’agit de ne pas oublier que le Christ se fait homme. Chacun, et particulièrement les enfants, doit pouvoir toucher la magie de la fête. C’est ainsi que les fêtes de Noël pour les enfants se multiplient. Nous assistons ainsi à la fête du jardin d’enfants du camp de Nashtiman, dirigé par abouna Jalal. Les enfants présentent un petit spectacle à une assemblée peuplée de pères-Noël. Parmi les multiples animations, nous contemplons avec délice notre première crèche vivante.

Quelques jours plus tard, nous assistons au spectacle des enfants du catéchisme de Kirkouk mené d’une main de maître par abouna Haiat qui fait merveille en animateur ; avant d’assister à Suleymania à la plus jolie de toutes les crèches vivantes. La scènette raconte donc la naissance de Jésus, mais tout le monde le cherche. L’étoile d’abord, puis les bergers, puis les mages… Et puis, quelques 2017 ans plus tard, trois jeunes ne le cherchent plus. Ils sont beaucoup trop absorbés : qui à compter son argent, qui à se regarder dans son miroir, qui à chatter sur son téléphone portable… Mais soudain, mystérieusement appelés, ils sont attirés vers l’Enfant, pénètrent dans l’église et se trouvent saisis par la présence de la Sainte Famille. Et chacun, dans un acte d’offrande volontaire, lui remet ce qui le coupe de l’Enfant et des autres : son argent, son miroir et son téléphone. Autant de nouvel or, nouvel encens, nouvelle myrrhe… Nous sommes édifiés par cette belle séquence de catéchisme. Quoi qu’il arrive, quelle que soit la souffrance de ces déplacés, ils refusent de se réfugier dans de fausses consolations.

La crèche de l’église de Mart Schmouni à Erbil

La crèche vivante à Nashtiman à Erbil

Un voeu unanime : « Rentrer chez nous »

Le 24 au soir, partout, les églises sont combles. A Mart Schmouni, à Erbil, où célèbre monseigneur Petros Mouché, deux messes sont célébrées en parallèle et les allées sont emplies d’assistants qui n’ont pu trouver de place assise. A Al Bichara, dans le camp d’Ashti, l’église déborde! Et à Mar Youssef où monseigneur Sako vient célébrer la Nativité, impossible de passer le seuil du sanctuaire. Si le moral n’est pas au plus haut, tous se pressent cependant pour honorer le Prince de la Paix. Et c’est avec gratitude que nous partageons la prière de nos frères : puisse, un jour, la paix régner sur ce pays. Même si, à vue humaine cela paraît si compliqué…

C’est le vœu unanime de chacun pour Noël. « Nous voulons rentrer dans nos villages et y vivre en paix et en sécurité ! » Aucun message dissonant ne se fait entendre. Comme nous le dit abouna Gabriel, moine du monastère antonin d’Al Qosh, avant de nous quitter : « Que cette nouvelle année voie naître une nouvelle aire de paix et de prospérité où chacun pourra se sentir aimé et respecté, où chacun pourra offrir au monde ses talents pour que tous puissent de nouveau vivre ensemble en paix dans ce pays. »

Fraternité en Irak s’associe à cet espoir et grâce à vous, à chacun de vos dons et de vos prières, est déterminé à continuer et intensifier ses actions auprès des populations déplacées.