Malgré les destructions, la vie reprend au couvent de Mar Behnam

Malgré les destructions, la vie reprend au couvent de Mar Behnam

EXCLUSIF – Samedi 10 décembre, Fraternité en Irak a accompagné Monseigneur Petros Mouché, archevêque syriaque catholique de Mossoul et Qaraqosh, pour célébrer la première messe au couvent de Mar Behnam, depuis sa libération le 20 novembre dernier. La date de ce premier retour correspondait au jour où est célébrée la Saint Behnam, martyr du IVè siècle et patron de ce haut lieu de pélerinage pour les chrétiens d’Irak.

Après une rapide visite du couvent et de la tombe de Saint Behnam et sa soeur Sarah – non sans émotion pour ceux qui redécouvraient ce lieu saint après plus de deux ans d’occupation, l’évêque de Qaraqosh et Mossoul revêt sa chasuble blanche et bénit les lieux. La messe peut commencer.

 » Votre foi est inscrite dans vos cœurs, cela ils ne vous le voleront pas « 

Avec son encensoir, il entre dans le couvent, saccagé et souillé par des graffitis affirmant « l’Etat islamique restera » et « Dieu est grand ». Des chants et un Notre Père s’enchaînent. L’assemblée suit l’évêque qui retourne dans la cour du couvent pour célébrer sa messe. Au cours de son homélie, il exhorte les fidèles à pardonner et rappelle que la foi ne peut être enlevée à un homme : « Votre foi est inscrite dans vos cœurs, cela ils ne vous le voleront pas ».

Un acte de courage

Durant tout le temps de la messe, les miliciens des Brigades de Babylone entourent et protègent le lieu. Malgré l’incertitude sécuritaire, cette messe rassemble une quarantaine de fidèles, venus pour l’occasion, de la même manière qu’ils venaient chaque année pour la grande fête du Saint. Cette messe est un acte de courage pour ces habitants et montre une volonté de réinvestir les lieux. L’un d’entre eux nous raconte qu’ils étaient auparavant nombreux à passer habituellement toute la journée ici, avec de grands repas organisés. Aujourd’hui, à la messe succède la bénédiction du pain qui est ensuite partagé, mais il ne s’agit pas de rester.

Des manuscrits du XIIe siècle retrouvés intacts

Abouna Yousef, supérieur du couvent depuis 2012, est venu pour l’occasion du Liban où il s’occupe désormais de la communauté irakienne dans le pays d’accueil. Pour lui, l’arrivée de Daech le 12 juin 2014 a été un véritable « choc », une « désolation ». Pourtant, un grand sourire aux lèvres, il nous demande de l’accompagner sous un porche et nous montre une lucarne. « Regardez derrière ce trou, c’est la cachette dans laquelle nous avons gardé les manuscrits anciens du couvent avant l’arrivée de Daech ». Très enthousiaste, il nous raconte l’histoire miraculeuse de ces manuscrits, dont les plus vieux datent du XIIè siècle. Pressentant la menace que faisait peser une invasion de l’Etat Islamique dans le couvent Mar Behnam, Abuna Yousef a l’ingénieuse idée de cacher les plusieurs centaines de manuscrits de tous âges, dans un recoin du monastère qu’il a ensuite muré avec du ciment. Voir la vidéo.

La veille de notre rencontre, il était venu avec une équipe de jeunes, marteaux et perceuse en mains, pour récupérer le trésor. Après trois heures de travail acharné pour détruire le mur, il découvre avec une joie immense que les grands tonneaux de métal sont intacts, à leur place, et contiennent toujours les manuscrits. C’est une effusion de joie et d’excitation pour tous les volontaires venus participer à l’opération. Les manuscrits sont transférés dans un lieu sûr. Ces manuscrits représentent une partie du patrimoine immense des chrétiens d’Irak et témoigne d’une histoire longue de ceux-ci dans la région.

Un lieu hautement symbolique pour l’église d’Irak

Cette première messe et le miracle des manuscrits retrouvés constituent bien des signes que les chrétiens veulent redonner vie à ce monastère, lieu symbolique pour l’Eglise irakienne. Ces mots de l’homélie de Monseigneur Petros Mouché résonnent encore : « ces dégâts matériels que vous voyez autour de vous ne sont rien à côté de la foi qui est inscrite dans vos cœurs ».

L’enjeu de cette longue visite était de faire un état des lieux le plus précis possible. Vous le savez, depuis plusieurs mois, Fraternité en Irak s’est engagé auprès de Monseigneur Petros Mouché à l’aider à reconstruire Mar Behnam. Désormais les prochaines étapes sont plus claires. Les voici : 

> Reconstruction du tombeau

– établir le diagnostic de déminage
– construire un auvent destiné à abriter les pierres et les débris
– déblayer les pierres et gravats
– numéroter et répertorier les éléments réutilisables
– couvrir avec un toit en bâche la salle du tombeau
– reconstruire le dôme et la voûte intérieure de la salle du tombeau.
– reconstruire la partie détruite des deux souterrains

> Restauration de l’église

– nettoyer les inscriptions laissées par Daech
– répertorier toutes les statues détruites et les mettre en regard de leurs originaux
– trouver en Irak ou en Europe un spécialiste de la restauration de statues en pierre
– restaurer/reconstituer à l’identique les statues

Une première estimation porte à 350 000 Euros le budget de ce chantier. Nous allons l’affiner avec les architectes irakiens de Fraternité en Irak et vous tenir informés aussitôt que nous aurons un budget plus précis.

Ce lieu est aussi important pour les chrétiens d’Irak que la cathédrale de Chartres pour les Français. Aidez-les à sauver leur patrimoine. Donnez !

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