Dans Qaraqosh libérée

Dans Qaraqosh libérée

RECIT – Fraternité en Irak a eu la chance de faire partie d’une des premières délégations à pouvoir entrer dans Qaraqosh presque totalement libérée, fin octobre. Nous vous livrons ici un premier tour d’horizon des dégâts constatés, et des lueurs d’espoir. Etat des lieux.

Arrivée à Qaraqosh par la route la plus sûre, celle de Karamless

La milice chrétienne qui occupe Qaraqosh patrouille toujours la ville en véhicules blindés et chars lourds.

 Des éléments de Daech sont toujours présents dans certains quartiers.

La destruction de symboles avant tout

Si les bâtiments détruits sont peu nombreux, les bâtiments symboliques ont été visés en premier : l’école « Qaraqosh 1 » est effondrée, tout comme le commissariat qui lui était adjacent et l’université Al-Hamdaniya, non loin de la ville.

La cathédrale Al-Tahira, qui servait d’école de tir aux soldats de Daech, a été incendiée. La violence du feu a fait éclater certaines pierres du chœur. Le clocher de la cathédrale a été attaqué : il lui manque désormais ses cloches et son dernier étage. La cour de la cathédrale a été ravagée par les tirs d’AK 47 dont les douilles jonchent le sol. Signe supplémentaire que la cathédrale était devenu un lieu de formation au tir, nous retrouvons des panneaux expliquant comment mettre en œuvre une kalachnikov. Dans la cour une masse de cendres et de pages brûlées témoigne de l’autodafé auquel Daech s’est livré en brûlant les livres et les registres administratifs. Les meubles ont eux été jetés par les fenêtres.

La rue principale de Qaraqosh. Sur la gauche, ce qu’il reste de l’école « Qaraqosh 1″ à côté du commissariat qui, lui, a été entièrement détruit

La cathédrale Al-Tahira, qui a perdu ses croix, ses cloches et le dernier étage de son clocher

L’église Mar-Behnam-et-Sarah a reçu un coup plus violent. Située de l’autre côté de la rue de l’amour, dévastée elle aussi, l’église n’a tout simplement plus de clocher : ce dernier a été dynamité. Cette église, la plus récente de Qaraqosh et où avaient l’habitude de se retrouver les jeunes de la ville grâce à son intense activité paroissiale et sa grande chorale, a été incendiée. L’autel est le seul élément qui subsiste en plus des murs et du toit, mais dans un triste état : ici aussi, la chaleur des flammes a fait éclater le marbre.

Nous continuons par le séminaire, résidence de Mgr Petros Mouché l’évêque de Mossoul et Qaraqosh. Son jardin intérieur semble avoir été miné. La chambre et le bureau de l’évêque ont été pillés comme ailleurs, mais tout semble indiquer que Daech n’a pas séjourné dans le lieu : dans chaque pièce, une épaisse poussière recouvre le sol.

L’église Mar Behnam-et-Sarah.
Son clocher a été dynamité.

La « rue de l’amour » qui relie la cathédrale à l’église Mar Behnam-et-Sarah, et où avaient l’habitude de se retrouver les jeunes une fois par semaine, est dévastée. Au fond à gauche, l’église Mar Behnam-et-Sarah.

Les jihadistes surpris par le temps

Les cloches de l’église Mar Youhana (Saint Jean-Baptiste), qui abritait la deuxième plus grande paroisse de Qaraqosh (plus de 1 200 familles y venaient à la messe chaque dimanche), ne sonneront plus non plus avant longtemps : elles ont disparu du clocher qui lui, bien qu’assez endommagé, est toujours debout.

À l’intérieur, nous assistons à un spectacle étrange : contrairement aux églises visitées jusqu’alors, les jihadistes ont empilé les bancs dans le chœur et sous la tribune, mais n’y ont pas mis le feu, sans doute pris par le temps. À l’extérieur, dans la cour de l’église, on retrouve les même traces d’impact que dans d’autres lieux : Daech y a entraîné ses soldats au tir.

Puis nous arrivons à l’église Mar Yacoub. Comme à Mar Youhana, les jihadistes semblent avoir préparé la mise à feu sans avoir eu le temps de passer à l’action, ce qui a limité les dégâts à l’intérieur. En revanche, toutes les statues du Christ et des saints ont été décapitées, les croix coupées.

L’église Mar Youhana a perdu ses cloches.

L’intérieur de l’église Mar Youhana offre un spectacle étrange : les bancs ont été entassés dans le choeur et sous la tribune comme pour y mettre le feu.

Intérieur de l’église Mar Yacoub.

Des poupées décapitées, des diplômes abîmés

L’hôpital Al-Hamdaniya, le grand hôpital de la partie orientale de la plaine de Ninive, a subi le même sort : volé puis dégradé, il a par la suite servi, lui aussi, de centre d’entraînement au tir. Comme dans la cathédrale, les mannequins retrouvés ont été décapités après avoir servi de cible. Les terroristes sont allés jusqu’à couper les têtes des poupées que Fraternité en Irak a retrouvées. Visiblement Daech n’a jamais utilisé l’hôpital pour soigner ses troupes ou des civils. Les images qui ne plaisaient pas aux terroristes ont été abîmées : les icônes ou peintures du Christ, les diplômes encadrés… Même les affiches présentant l’allaitement d’un enfant ont été dégradées !

Ce grand hôpital qui faisait la fierté des médecins de Qaraqosh en rassemblant la totalité des services de soins et permettait à une grande partie de population de la partie orientale de la plaine de Ninive de se faire soigner. Après l’hôpital de Mossoul c’était l’hôpital le plus important et le plus réputé pour la qualité des soins de toute la région de Ninive. Aujourd’hui il plus qu’un ensemble de bâtiments vides et désolés, mais 95% des murs et des toits, brûlures mises à part, sont indemnes.

Hôpital Al-Hamdaniya.

Qaraqosh est debout, malgré tout

La ville a été pillée dès son occupation en août 2014 avant de servir de résidence à certains membres de l’état-major de Daech. Avec l’attaque de Mossoul imminente ces dernières semaines, les jihadistes ont mis le feu dans un maximum de bâtiments de Qaraqosh pour couvrir leur retraite. Aujourd’hui, la quasi-totalité des magasins et une maison sur deux sont brûlés : les rues sentent encore l’odeur des matières plastiques fondues par les flammes et certaines cendres étaient encore chaudes. Des explosifs stockés dans plusieurs quartiers de la ville et le témoignage des soldats indiquent que des bâtiments et certaines rues sont piégés.

Les destructions complètes sont heureusement peu nombreuses : Qaraqosh la plus grande ville chrétienne d’Irak n’a pas subi le même sort que celles des Yézidis, Sinjar, réduite en poussière sur 75% de sa surface. Ici, la quasi-totalité des murs sont debout. Brûlés ou mitraillés, mais debout.

Qaraqosh a traversé les flammes, la mort et l’occupation mais ses maisons et ses églises dressées vers le ciel semblent être comme le reflet de ce peuple chrétien réfugié qui depuis plus de deux ans nous impressionne par sa capacité à se relever. Pour les membres de Fraternité en Irak redécouvrir Qaraqosh est une grande émotion, car c’est aussi là que notre association a commencé à agir en 2011.

L’église Mar Zeina, dont le clocher a été endommagé, a perdu ses cloches.

Une des nombreuses rues vides de la ville.

Avec votre aide Fraternité en Irak veut continuer à être aux côté des chrétiens et des minorités de la plaine de Ninive. Donnez et parlez autour de vous de la situation de Qaraqosh pour que le plus rapidement possible cette ville puisse être déminée, reconstruite et peuplée à nouveau par ses habitants !
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