« Les chrétiens d’Irak pourront-ils vivre un jour la joie de Noël ? »

« Les chrétiens d’Irak pourront-ils vivre un jour la joie de Noël ? »

by Fraternité en Irak Actualité Urgence

NOEL – Pour la deuxième fois cette année, les chrétiens déplacés de la plaine de Ninive passent Noël loin de chez eux. Pour tous les chrétiens d’Irak, la fête de la Nativité arrive dans un contexte tendu où les menaces et les discriminations se multiplient. Avec son accord, nous publions la traduction du message de Noël du patriarche de Babylone des chaldéens, Louis Raphaël I Sako.

« La fête de la Nativité du Christ, porteur de justice et de paix, ferment de l’amour entre les hommes, est l’une des plus grande fête célébrée par des millions de chrétiens dans le monde et particulièrement en Irak. Une vraie fête est toujours une occasion de se remémorer un événement ou une personne exceptionnels, porteurs de joie et d’espérance. Elle nous rend plus fort dans notre quotidien.

Mais cette année les chrétiens d’Irak vont célébrer Noël dans des conditions déplorables, d’une part en raison de la détérioration de la situation à tous les niveaux dans notre pays et aussi bien sûr à cause de ce qu’ils ont vécu en tant que chrétiens, victimes de ségrégation et d’exclusion.

Depuis un an et demi, l’Etat islamique (Daech) occupe toujours Mossoul, ainsi que les villes de la plaine de Ninive. 120 000 chrétiens ont été chassés de leurs maisons à cause de leur seule appartenance à la religion du Christ. Personne, si ce n’est ceux qui ont planifiés cette purification religieuse, n’aurait pu imaginer une telle catastrophe. Les chrétiens réfugiés loin de chez eux vivent depuis un an et demi dans des conditions éprouvantes, dans des camps dépourvus quasi complètement de soins exceptés ceux qui leur sont offerts par l’Église ou les organisations de la société civile.

À Bagdad, les maisons des fidèles sont l’objet des convoitises de miliciens qui s’emparent de leurs biens. C’est ce qui est arrivé il y a quelques jours à une famille chrétienne qui habite le quartier Palestine, au centre de Bagdad. Elle a été menacée et volée en plein jour !

D’un point de vue législatif, nous sommes aussi victimes de discriminations. À ce jour, les députés n’ont pas modifié la loi inique sur la carte d’identité qui consiste à contraindre des enfants mineurs issus de familles chrétiennes, mandéennes ou yézidies à devenir eux même musulmans si un de leurs parents adhère à l’Islam. Le comportement de ceux qui sont censés nous représenter, nos députés, a blessé le cœur les familles chrétiennes et leurs enfants. C’est comme si la liberté et les droits les plus fondamentaux ne s’appliquaient pas pour nous, qu’ils étaient réservés aux autres. Tout cela nous prive de la joie de la fête.

Cette situation est d’autant plus douloureuse que les musulmans considèrent le Christ et Sa mère comme les “merveilles des mondes » (Prophètes : 91), qu’ils considèrent les chrétiens  » les plus proches d’eux en affection  » (La Table : 82). En plus de cela les musulmans ne cessent de nous répéter que nous sommes les citoyens fondateurs du pays, alors qu’en réalité ils nous traitent comme des citoyens de deuxième catégorie et ne font rien pour que les libertés publiques, l’égalité de droit et la sécurité s’appliquent à l’ensemble de la population et pas seulement à une partie.

Face à la progression de l’État islamique, l’Assemblée des députés aurait dû contrecarrer la vision de Daech en affirmant que la cohésion de la nation vient de l’instauration de droits équitables pour tous les irakiens faisant d’eux une seule famille sans distinction d’ethnie ou de religion.

Comme preuve de cette cohésion nationale, nous attendions de nos députés qu’ils fassent de la fête de Noël un jour de congé pour tout le pays, comme cela avait été annoncé par l’ancien Premier ministre irakien et comme c’est déjà le cas depuis 2012 à Kirkouk et dans la région du Kurdistan. Naturellement, nous avions formulé cette demande. Cela aurait été un signe fort pour favoriser la coexistence entre les communautés faire progresser la fraternité dans notre pays.

Hélas cette fraternité ne fait que reculer. Encore récemment, les chrétiens se sont vus directement menacés. À Bagdad, le dimanche 13 décembre, des personnes, probablement des membres des milices chiites, ont collé des images de la Vierge Marie sur les maisons des familles chrétiennes. Ces affiches sont accompagnées d’un message invitant les femmes chrétiennes à imiter la Sainte Vierge et à se voiler elles aussi. Ces affiches touchent à la liberté des chrétiens de se vêtir comme ils l’entendent. La Très Sainte Vierge Marie vivait il y a deux mille ans, dans une société et une culture différente et le vrai voile est le voile de l’esprit et de la moralité !

En cette occasion, nous voulons le redire très franchement : Nous ne céderons pas face à l’injustice. Au contraire, nous allons rester attachés à notre terre, à notre patriotisme et nous allons continuer à vivre notre amour pour nos concitoyens, tout simplement parce qu’ils sont nos frères.

En Irak, nous allons célébrer la naissance du Christ qui vient dans nos cœurs dans le silence et les larmes, sans manifestations ni réceptions de fête ; néanmoins nous restons habités par la paix intérieure qui perpétue la joie de la foi et l’espérance que nous allons, malgré les épreuves, vers un pays plus juste et un avenir meilleur.

Sa Béatitude le Patriarche Mar Louis Raphael Sako, en sa qualité du chef suprême de la plus grande église chrétienne d’Irak, tient à adresser ses sincères remerciements à tous ceux qui ont soutenu la cause des droits de l’homme en Irak. Il remercie ceux qui ont soutenu les chrétiens et travaillé à promouvoir les droits de tous les citoyens irakiens sans distinction.

« Gloire à Dieu au plus haut de Cieux et paix sur la terre aux hommes qu’Il aime »

Nous souhaitons la paix pour l’Irak. »

Louis Raphaël I Sako, patriarche de Babylone des chaldéens