Une journée et demi à Shaqaq

Une journée et demi à Shaqaq

Cet hiver, une équipe de Fraternité en Irak est allée rendre visite aux habitants du quartier de Shaqaq, bien connu de l’association puisqu’elle y a mis en oeuvre de nombreux projets, dont la rénovation des 328 appartements qui le composent. Un volontaire raconte.

Le ciel est encore tout mouillé par la pluie, les sols boueux, la rue qui mène à l’université devient une mare. C’est désormais un étang qui sépare le quartier bâti des champs verts vifs alentour. Les voitures laissent derrière elles une écume brune mousseuse. Le gris humide contraste avec les couleurs vives des maisons flanquées les unes au-dessus des autres. Pourtant, il fait aussi ressortir les fissures de ces bâtisses délabrées. La pluie accentue les teintes hivernales et purifie le paysage. Nous sommes à Shaqaq, quartier pauvre de Qaraqosh, la grande ville chrétienne de la plaine de Ninive.

A travers la pénombre, on distingue une lumière blanche au-dessus d’un grand bâtiment. C’était la croix d’At-Tajalli, l’église de la Transfiguration tout juste inaugurée, qui scintille, clinquante, dans la brume épaisse de cette après-midi de janvier. Le clocher flambant neuf transperce le brouillard aqueux. Un symbole fort de vie au milieu de ce quartier dont la plupart des habitants, ayant fui Daech, sont déjà revenus.

Un symbole de réconciliation, de ses prémices tout au moins : cette église est le fruit de la collaboration entre Abouna Jalal, le prêtre qui supervise la construction, un ingénieur musulman originaire de Mossoul et des ouvriers chrétiens de Qaraqosh. C’est aussi dans cette église, clarté ambrée et ocre dans la bruine, que de jeunes musulmans, mossouliotes eux aussi, sont venus assister à la messe du nouvel an et ont offert une rose à Abouna Jalal. Peut-être le travail ensemble, les contacts ponctuels permettent-ils de laisser lentement s’évanouir la méfiance, de rebâtir humblement des liens fraternels…

L’église de Shaqaq, illuminée à Noël

Le lendemain, nous rendons visite à la communauté de sœur Amira qui s’occupe des enfants handicapés du quartier. Le soleil a déjà dispersé quelque peu la brume et laisse apercevoir la longue plaine fertile ; les champs verdoyants encore imprégnés de rosée, tachetés de moutons donnent un aspect pastoral au quartier à la lisière des prés.

Sur le chemin de l’école, les enfants aux yeux rieurs pataugent dans les sentiers humides, les étudiants aussi. C’est le retour de la vie. Le quartier est traversé par la mélodie sans cesse ressassée du livreur de gaz, par le vrombissement des scooters, par le bourdonnement des camionnettes des maraîchers dont les cageots de fruits se déversent à l’arrière. L’un d’eux nous lance quelques prunes fraîches au passage. Les gens s’interpellent d’un toit à l’autre. Un enfant rêve sur l’escalier, il semble faire l’école buissonnière. Les femmes nettoient les balcons, leurs mains gonflées par le froid et l’humidité. Les vieilles femmes, assises sur le perron, contemplent la vie qui renaît doucement.

Abouna Jalal et un volontaire de l’association

En hauteur…

Sr Amira et Alberto, un de ses protégés

Nous rendons visite à quelques familles du quartier, accomplissant soigneusement un même rituel : retirer ses chaussures et pénétrer à pas de loup dans le salon simple, s’asseoir sur les coussins disposés en cercle, s’enquérir des nouvelles de la famille, contempler les icônes et les images, boire le café brûlant noir de cardamome à petites gorgées, être touché par cette simple fraternité, bref partager quelques instants de vie.

C’est Thomas qui n’a jamais pu apprendre à lire ni à écrire mais sculpte soigneusement des croix et est investi dans les groupes de jeunes. C’est Nadia qui, les cheveux défaits et les traits tirés, nous sert méticuleusement le café bouillant que nous buvons avec lenteur et respect. Ce sont les enfants qui racontent leur rêve : devenir ingénieur, étudier la médecine comme papa… tandis que les parents confient qu’ils ont eux aussi beaucoup de rêves, de projets à réaliser en Irak inchaallah.

L’Irak, sa chaleur, sa générosité, son courage, sa vie : on retrouve toutes ces qualités chez les habitants de Shaqaq. L’Irak qui renaît, riche de ces figures d’espérance qui se tiennent dans la nuit, de ces sentinelles qui à force de guetter l’aurore la font éclore. Abouna Jalal, sœur Amira, Thomas, Nadia et tant d’autres qui se tiennent debout, les bras grand ouverts, le sourire aux lèvres.

Soeur Amira a besoin de votre générosité pour construire le centre d’accueil pour enfants handicapés. Merci à vous tous qui soutenez les projets menés à Shaqaq !

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