À Mar Behnam, les travaux de restauration ont commencé !

À Mar Behnam, les travaux de restauration ont commencé !

by Fraternité en Irak Actualité Chrétien d'Orient Mar Behnam Qaraqosh Yézidis

PATRIMOINE – Depuis plusieurs mois, Fraternité en Irak prépare la reconstruction du monastère de Mar Behnam détruit par Daech en 2015. Le tombeau de ce martyr du IVème siècle est un lieu de pèlerinage populaire pour les chrétiens, les musulmans et les yézidis. Récit des premiers travaux sur ce site unique du patrimoine irakien.

Les ruines ne seront bientôt plus qu’un lointain souvenir… C’est en tout cas ce qu’espère toute l’équipe en charge des projets de reconstruction du tombeau de Mar Behnam, aussi appelé « martyrium ». Mgr Petros Mouché, évêque syriaque-catholique de Mossoul, a en effet confié à Fraternité en Irak la mission de l’aider à reconstruire ce lieu hautement symbolique pour l’Eglise d’Irak mais aussi pour les principales communautés du pays.

Un lieu chargé de sens

Fraternité en Irak s’y est engagée avec joie. Il s’agit d’un lieu fondateur pour l’association qui y est venue entre 2011 et 2014, et dont le symbole, cette croix tressée, est directement inspiré de celles qui ornaient les portes de la chapelle attenante au tombeau avant que Daech ne les martèle.

Mar Behnam, un sanctuaire symbole d’unité pour les Irakiens

Situé à environ 12 kilomètres au sud-ouest de Qaraqosh, ce sanctuaire a été construit au IVème siècle sur le lieu de la mort de Mar Behnam et de sa sœur Sarah et le martyrium conserve leurs reliques. Ces deux saints, tués par leur père à cause de leur foi, le roi Sennacherib, seraient à l’origine de la conversion de l’Assyrie au christianisme. Les djihadistes de Daech ont fait exploser ce mausolée en mars 2015 et ont revendiqué sa destruction dans une vidéo.

Reconstruire ce mausolée où chrétiens, sunnites, chiites et yézidis avaient l’habitude de venir en pèlerinage, c’est permettre que toutes ces communautés puissent à nouveau se rencontrer et fassent tomber les murs que Daech a tenté d’imposer pour diviser les Irakiens.

À l’occasion d’une des réunions organisées autour Mgr Petros Mouché et du maire musulman de la ville de Khidr où se trouve Mar Benham, nous avons demandé à ce dernier combien coûterait l’évacuation des gravats résultant de l’explosion. Lorsqu’il a répondu, « ala ahsabi », les membres de Fraternité en Irak ont cru mal comprendre : cela signifiait qu’il prenait ces travaux à sa charge, preuve de son attachement au sanctuaire !

C’est ainsi que huit ouvriers travaillent depuis plus d’un mois par des températures élevées pour déblayer bloc après bloc le sanctuaire où est vénéré Mar Behnam. Le fait que ce soient des habitants de Khidr, ville quasi intégralement sunnite qui fassent ce dur travail illustre combien ce lieu est cher aux habitants du sud de la plaine de Ninive. 

Le mokhtar du village avec le prêtre en charge de la reconstruction et l’architecte de Fraternité en Irak

Une équipe de professionnels dédiée

Il s’agit donc d’un site important à tous points de vue : patrimonial, religieux et favorisant la réconciliation entre les communautés de la plaine de Ninive. Ce chantier nécessite des compétences spécifiques. Ainsi Fraternité en Irak a mandaté une équipe d’architectes expérimentés, qui, bénévolement, s’appliquent à établir les plans actuels (après destruction) et les plans d’origine (avant destruction) pour permettre aux murs du mausolée de se relever à l’identique.

Prise de mesures…

… et dessin à main levée !

Des étapes préparatoires

Des préalables étaient indispensables à la reconstruction du tombeau. Le déminage d’abord, puisque dix-neuf jerricanes de 20 kg de TNT non explosés ont été découverts au moment du déblaiement… Ces presque 400 kgs d’explosifs qui n’ont pas fonctionné lors de la mise à feu par Daech auraient pu anéantir toute la partie basse du tombeau. De manière inexplicable, cette défaillance des explosifs a préservé la partie inférieure du mausolée.

Des ouvriers du village voisin donc, ont ensuite rapidement achevé le déblaiement des pierres et des gravats dans tout le mausolée. Des salles vides au rez-de-chaussée du couvent ont été réquisitionnées pour abriter et trier les pierres et les débris, ceci afin de numéroter et répertorier les éléments réutilisables.

L’équipe de Fraternité en Irak a ainsi pu commencer son travail de relevé, c’est-à-dire de mesures et de dessins à main levée de tout ce qu’il reste du bâtiment dynamité. À partir de ce dessin, il sera possible d’esquisser un plan de ce qui doit être construit et comment, puis de réaliser un descriptif précis des travaux et faire chiffrer le tout auprès d’entreprises locales. Enfin, les travaux pourront commencer…

La niche contenant les reliques de Mar Behnam, avant et après déblaiement.

13. AR Niche contenant les reliques et ayant été profannées par Daesh

Reconstruire à l’identique

En parallèle du suivi du chantier de déblaiement, de l’inventaire des éléments retrouvés dans les gravats du mausolée sous la direction d’un archéologue irakien, les architectes de Fraternité en Irak effectuent un travail de recherches historiques pour préparer la future reconstruction. Le but est de rebâtir sur des bases historiques sérieuses : étude des documents d’archive existant sur le mausolée, constitution de fiches historiques à partir des photos anciennes pour voir ce qui a été endommagé et ce qui a disparu… Grâce à ce travail les architectes de l’association pourront dessiner les nouveaux plans et élévations du bâtiment.

Fraternité en Irak a par ailleurs fait appel à un archéologue irakien renommé, qui connaît les subtilités de la construction locale. Le but est de reconstruire au maximum à partir de l’existant – briques de terre cuite extraites des décombres – ou d’en faire refaire de même dimension par un artisan de Qaraqosh.

Guillaume, l’architecte de Fraternité en Irak

au travail avec l’archéologue.

Une restauration dans les règles de l’art

Le travail d’inventaire des plaques de marbre contenant des inscriptions a commencé en compagnie de l’archéologue irakien qui a accepté de nous aider. Sous sa direction, les 600 mètres carrés de gravats doivent être retriés en deux semaines par une équipe de cinq ouvriers, pour mettre de côté tous les éléments pouvant être réutilisés ou devant être sauvegardés : briques anciennes, pierres taillées et éventuels carreaux.

La reconstruction à proprement parler commencera alors avec le dôme et la voûte intérieure de la salle du tombeau. Le travail de recherche pour comprendre comment elle a été construite est en cours, sachant qu’elle a été plusieurs fois reconstruite ou surélevée au cours du XXème siècle ! L’objectif des architectes de Fraternité en Irak est de ne pas faire usage de béton mais bien de se servir des techniques traditionnelles irakiennes de construction d’une coupole en brique.

Viendra dans un second temps la reconstruction des deux souterrains d’accès au tombeau, lourdement endommagés. Une fois déblayée l’épaisseur de terre se trouvant au-dessus, il faudra encore démonter les parties restantes des deux tunnels et les reconstruire à l’identique. En effet, cet accès en souterrain participe largement à la symbolique du lieu : en descendant sous terre le pèlerin « ensevelissait le vieil homme » avant de renaître en ressortant après s’être ressourcé spirituellement.

« La reconstruction de ce sanctuaire est une urgence pour le patrimoine de l’humanité, estime Faraj Benoît Camurat, président de Fraternité en Irak. Il s’agit du seul témoignage de cette ampleur de l’art chrétien du Moyen Age en Mésopotamie. Reconstruire Mar Behnam c’est aussi une opportunité rare, celle de permettre aux communautés de la plaine de Ninive de casser progressivement les murs de haine avec lesquels Daech a tenté de les diviser, grâce à un lieu où tous viennent en pèlerinage. Enfin, pour tous les chrétiens d’Irak, qu’ils soient syriaques, chaldéens ou assyriens, ce lieu est aussi important que la cathédrale de Chartres ou Notre-Dame de Paris pour les Français ! Il est donc normal que Mar Behnam soit le premier lieu de culte à être restauré depuis la chute de Daech. »

Le chantier qui nous attend encore est immense. Il faudra restaurer l’église du couvent et ses centaines de sculptures en pierre et enfin reconstruire le bâtiment d’accueil détruit par l’explosion. Sans oublier de couvrir temporairement avec un toit la salle du tombeau, toit pour lequel un des artisans de Qaraqosh soutenu par le programme de relance économique de Fraternité en Irak se prépare à travailler !

Aidez-nous à redonner vie à ce couvent historique !